Coup de cœur MUSIQUE & DANSE Le 11 juillet 2014
Enfermé dans une boîte transparente, offert et abandonné aux regards, un danseur devient tour à tour pénitent et sauveur, pape et mendiant aux pieds nus… Inspiré par les peintres et par les liturgies, ce Journal d’une crucifixion observe et figure les images religieuses, dans leur puissance et leur douceur, dans leur violence et leur candeur… Une méditation en mouvement, forcément passionnée.
« Ceci est mon corps » : on ne saurait mieux résumer toutes les aventures, toutes les turpitudes et toutes les passions – qu’elles soient humaines ou divines. Ultime richesse ou ultime dénuement, le corps reste la seule frontière tangible, le lieu où s’inscrivent les amours comme les maladies, les forces, les cicatrices, les beautés ou les plaies encore ouvertes…
Le chorégraphe espagnol Tino Fernández a commencé la danse à Paris, notamment avec Jacques Patarozzi et Catherine Diverrès. Tout en développant son activité en France, sa compagnie, L’Explose, s’est installée en Colombie en 1995.
Dans le très célébré Regard de l’autruche, Fernández avait donné sa vision de la violence qui imprègne la société colombienne, avant de s’intéresser, dans Frenesi, à la tauromachie et aux rituels de mise à mort. Créé lors du Festival de théâtre ibéro-américain de Bogotá, ce Diario de una crucifixión s’inspire évidemment de Francis Bacon – en particulier son Étude sur le portrait du pape Innocent X (ellemême imaginée d’après le tableau de Diego Vélasquez). Mais il est aussi traversé par une multitude d’images religieuses : brefs éclats, attitudes, réminiscences… On y retrouve la tension entre l’éclat flamboyant du catholicisme espagnol et la modestie absolue de la piété.
Exposé, mis en boîte, le danseur y apparaît tour à tour vulnérable et souverain, esprit et corps, pénitent et prélat. À l’intérieur de sa cage transparente, il se bat et se débat, entre l’animalité et l’âme, entre vie humaine et vie spirituelle, passant de l’humilité christique à la pompe ecclésiastique, accompagné tour à tour par le majestueux Stabat Mater de Vivaldi ou par les accidents d’une bande son électro composée par Camilo Girardo.
Le public, quant à lui, se retrouve juge ou partie, apôtre ou voyeur du combat qui se déroule entre les parois, et renvoyé à ses ropres interrogations. À chacun sa part prosaïque et sa part spirituelle, à chacun ses colères et sa compassion…
Sans provocation, sans fausse pudeur, Diario de una crucifixión présente une vision intime et moderne de l’éternelle tentative d’épuisement du corps pour parvenir à l’élévation de l’âme.
4 Rue Eugène Spuller 75003 Paris