Après 20 années de vie commune, d’une vie honnête et digne, Yona Popokh veut quitter sa femme Léviva, sans savoir pourquoi exactement. Peut-être parce que le bonheur est insupportable, que la magie s’est éteinte, que les rêves du début sont inatteignables, parce que la vie est une laborieuse entreprise.
Gounkel, un voisin en quête d’aspirine, va arriver au milieu du champ de bataille pour être, comme le spectateur, témoin d’une scène de ménage hallucinante au cours de laquelle Yona Popokh, le mari, va prendre soin de dresser un constat d’échec lucide et d’un humour cinglant, noir, mais farouchement efficace.
On rit jaune, on rit aux larmes. Mais on rit.
Hanokh Levin est né à Tel-Aviv en décembre 1943, il est décédé en 1999. Les grands dramaturges se reconnaissent à leur capacité de lire et de retranscrire le monde. Hanokh Levin est de ceux-là. Ses pièces en sont la preuve indéniable. Il s’inscrit dans la grande tradition des empêcheurs de tourner en rond. Petit-fils de Molière et de Brecht, à qui il aura emprunté leur sens de la dérision et du politique, il est également inspiré par Tchekhov, Feydeau et Beckett. Levin renverse les valeurs et s’attaque de front à la bêtise humaine. Aujourd’hui reconnu (dix ans après sa mort), il est, à juste titre, de plus en plus joué sur les scènes européennes. Levin était un visionnaire. Il est mort trop tôt mais son écriture décapante reste vivante et fait défaut au monde d’aujourd’hui.
Comment ne pas nous reconnaître dans le miroir, terrible et drôle, que nous tend cet auteur à la voix si puissante et si humaine ?
Laurence Sendrowicz a traduit dans une langue très crue et colorée l’univers de Levin. Une langue vive qui ne laisse rien passer et qui rend les silences éloquents. C’est drôle, grinçant et décalé à souhait. Il est important de faire résonner les mots d’Hanokh Levin aujourd’hui. Une laborieuse entreprise est une comédie à l’efficacité redoutable.
Une grande pièce sur un sujet universel, le couple. On se déchire, on se réconcilie, on lutte, on se réconcilie, on s’aime, on se réconcilie, on s’insulte, on parle de tout sans tabou, on questionne la mort et le tout avec une énorme tendresse, celle que l’auteur porte à ses personnages. Cela fait la force de son écriture. Une véritable écriture contemporaine. Je souhaite monter ce projet dans une grande simplicité. L’humour ravageur des personnages doit emporter le spectateur dans une ronde infernale qui ressemble au pire de ses cauchemars. Nous jouerons au plus près du public, nous lui parlerons, il sera pris à parti, témoin de cette laborieuse entreprise qu’est la vie. Si loin, si proche... un drap, une valise, trois acteurs, une scénographie épurée, un texte magnifique, de la musique et quelques chansons.
Serge Lipszyc
La Tornadia 20259 Pioggiola