Waiting

du 18 au 21 novembre 1999

Waiting

Carlotta Ikeda a su conjuguer au féminin la danse Butô. En solo ou en groupe, elle explore la profonde alchimie des chairs, de l'érotisme et de l'extase. Ses deux derniers spectacles Waiting et Haru no Saiten ont été présentés au Théâtre de la Bastille en 1998 et 1999.

Texte du spectacle extrait de L’homme assis dans le couloir, Marguerite Duras, (éd. de Minuit)

Ténèbres, aube et crépuscule. Ombre blanche, étoile du Butô, Carlotta Ikeda défrayait la chronique voici vingt ans à Paris, au Nouveau Carré Silvia Monfort, avec Dernier Éden, fabuleux jardin des supplices qui devait lancer en Europe la carrière de la compagnie Ariadone, troupe exclusivement féminine de la " danse des ténèbres ".

Formée à la danse moderne avant de rencontrer, à Tokyo, le groupe Dairakudakan et Kô Murobushi, Carlotta Ikeda a sillonné ces deux dernières décennies avec des créations en solo ou en groupe, qui ont su produire une constellation de chairs en métamorphose, où un érotisme grotesque parvient à épouser la dimension spirituelle de l’extase.

Danse des profondeurs, symphonie silencieuse des entrailles de la terre et du corps, le Butô de Carlotta Ikeda est à la fois déflagration et distillation, il sacre l’éternel printemps des corps, en voyage vers ce point magique qui saurait confondre aube et crépuscule.

Interview de Carlotta Ikeda

Quels sont aujourd’hui vos rapports avec le Bûto ?
C.Ikeda : Le Bûto est ma danse fondatrice, mais à l’intérieur d’elle j’ai creusé mon sillon de danseuse et de chorégraphe. Le Bûto est inscrit dans mon corps, je n’ai plus besoin d’y faire consciemment référence. Maintenant, je cherche au-delà du Bûto. D’abord, mon corps a changé, il faut que je vive avec lui... Je sens que je peux trouver une nouvelle manière de danser... Il me faut bouger à l’intérieur. Pourquoi et comment, je ne sais pas ... Je ne veux pas le savoir, mais je sens cette nécessité.

Pourquoi un solo maintenant ?
C. Ikeda : Je ne veux rien expliquer. Le plaisir solitaire. Pourquoi pas ? Je sais qu’il y a plus de désir en moi, mon corps attend quelque chose... Voilà, c’est ça mon sujet... C’est Onan, celui qui donne son nom à l’onanisme, le personnage biblique, le sensuel. La bible et la sensualité ... ça m’intéresse les mélanges. Mon corps désire la Mort peut-être, la marge de la vie. Je cherche même à être en marge de la marge. Ce n’est pas rien ... Mais ce n’est pas non plus quelque chose : C’EST ... Il y a un désir qui vibre en moi, je cherche l’endroit où ça tremble ... l’œil du séisme ... je ne cherche pas à l’expliquer, je sais que ça existe, je vis avec ... C’est peut-être cette onde-là qui est le mouvement de ma danse.

Vous faites référence à Marguerite Duras. Quel est votre rapport avec son écriture ?
C. Ikeda : Quand je lis Duras, je ne comprends rien. Mais je sens des émotions très fortes. Mon corps est tendu à la lecture de ses mots, je sens une force sans pouvoir l’expliquer... L’énergie de Marguerite Duras est comme celle d’un animal. Ses mots sont comme des os et des muscles... Tout son corps est dans l’écriture. ça me touche... La lecture, ça aussi c’est un plaisir solitaire, c’est se voir à l’intérieur. Elle écrit cette phrase : "Il faut fermer les yeux pour voir clairement". J’ai besoin de voir dedans. C’est important pour moi, les yeux ne sont pas là, posés sur le visage, ils sont creusés dans la tête, retournés dans le corps... C’est ce qu’il y a dedans qui doit danser... Derrière cette recherche d’extase solitaire, s’expose la peur du vide, le rien, point de rencontre avec une autre vie, avec la mort. Parfois, le vide emplit mon corps comme un désir de la mort.
Le DESIR... Il y a un désir qui vibre en moi, et je cherche depuis longtemps l’endroit précis où ça tremble... C’est peut-être cette onde qui est source de ma danse.

Propos recueillis par Stéphane Vérité

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Théâtre de la Bastille

76, rue de la Roquette 75011 Paris

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Théâtre de la Bastille
76, rue de la Roquette 75011 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 21 novembre 1999

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