« Soudain, il n’y a plus eu de frontières, tout s’est ouvert. » Rumba congolaise, rock indé, électro pop, jeune poésie française, world music radicale… tout s’est ouvert. En quatorze titres, Abd Al Malik a renversé tout ce qu’on croyait savoir de lui. Avec l’album Château Rouge, l’enfant de la banlieue de Strasbourg rappelle qu’il a aussi grandi quelques années en Afrique, le révolutionnaire du hip hop français ose la langue anglaise, le rappeur se décide à chanter… Plus de frontières, vraiment…
La feuille de route le promettait déjà : Abd Al Malik a confié la réalisation de son album à Gonzales. « Nous nous étions rencontrés en 2005 ou 2006 au studio Ferber pendant l’enregistrement de l’album Gibraltar, puisqu’il travaillait avec Renaud Létang. Depuis, nous avions envie de travailler ensemble. Quand Bilal et Wallen ont commencé à me proposer des maquettes, faire l’album avec lui est apparu comme une évidence. » Avec le pianiste dadaïste canadien, les décalages, les surprises et les diagonales tombaient sous le sens. Et c’est ce que souhaitait Malik.
Les deux albums Gibraltar et Dante l’avaient installé au premier plan : trois victoires de la musique (dont celle de l’artiste masculin de l’année en 2008), le prix Constantin, le prix Raoul-Breton de la Sacem, la distinction de chevalier des Arts et lettres… Il aurait pu s’installer dans un statut de rappeur néo-classique ou de chaînon manquant entre tradition française et musiques urbaines. Mais, après 180 dates de tournée suivant la sortie de Dante, il a partagé avec son frère Bilal et avec son épouse Wallen ses plaisirs musicaux du moment – Local Natives, Vampire Weekend, Miike Snow…
Wallen, qui fut la première wonderwoman de l’histoire du r’n’b français, et Bilal, l’encyclopédiste des sons urbains, ont composé des titres sur toute la largeur du spectre qui va de la variété africaine au rock torturé. « C’est toujours la musique qui me fait écrire. Je n’ai jamais d’idée sur ce que je vais écrire et sur la manière dont je vais le faire. Bien sûr, je suis dans un certain état avant d’écrire mais c’est la musique qui dirige. Et la musique m’a mis dans un état dans lequel une forme d’écriture s’est imposée. » Alors, surprise ! La voix de Malik se fond souvent dans la masse sonore, les textes abordent parfois l’abstraction rock. Après quelques expériences sur scène en compagnie de Femi Kuti ou de Jean-Louis Aubert, il abat le tabou des tabous chez les rappeurs soucieux d’orthodoxie : il chante.
Et, en connivence avec Gonzales, il a fait appel à des invités souvent surprenants, comme Papa Wemba, le dieu vivant de la musique congolaise, Ezra Koenig, le chanteur de Vampire Weekend, Primary 1, le jeune prodige londonien de l’année, CocknBullKid, la sensation londonienne de l’an prochain, et évidemment ses familiers Wallen et Mattéo Falkone. Mais Malik ne renie rien. Sur ses deux précédents albums, il avait beaucoup travaillé avec Gérard Jouannest, compagnon de musique de Jacques Brel et Juliette Gréco. Le pianiste lui a cette fois-ci donné la longue composition qui donne son titre à l’album et sur laquelle il médite sur la déchéance et la mort d’une ancienne gloire du rap. Il est vrai que cet album lumineux, up tempo et souvent drôle n’est pas seulement un disque heureux. « Pour tout avouer, « c’est un peu la BO de ma douleur », dit Abd Al Malik.
Tout au long du processus de création, sa famille et son entourage ont été frappés par une série d’événements dramatiques, dont la mort de son grand-père. Le père de sa mère est mort au Congo, plus que centenaire, après avoir combattu sous l’uniforme français pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre d’Indochine. Alors, un phénomène curieux survient : « Soudain, il n’y a plus eu de frontières, tout s’est ouvert. » En l’honneur du grand-père, les premiers mots de l’album sont dans sa langue, le lari. Et Valentin jette un pont entre l’Occident arty et turbulent de Gonzales et cet entrelacs touffu d’identités et de fidélités qu’explore le texte de Malik. Dès ce premier titre, l’album explore sans cesse de nouvelles formes, de nouvelles couleurs, de nouveaux mariages, de nouvelles rencontres. Du rap ? Mais bien sûr, assure Abd Al Malik : « J’ai grandi dans l’idée que le rap c’est la liberté, que l’on y fait ce que l’on veut. À un moment donné, ça s’est figé et des gens ont dit « c’est ça le rap, et rien d’autre ». Mais moi je considère que l’on doit continuer à évoluer. En ce sens, je suis un puriste, un puriste de l’essence des choses mais pas de leur forme. »
Il est aussi puriste qu’un Bashung pouvait l’être en bouleversant toute sa musique d’album en album, ou qu’un Dylan électrifiant sa guitare. « Je sais qui je suis, je sais ce que je veux, je sais où je vais. Mais j’aime la manifestation de la singularité, de l’évolution, du mouvement. » Une fois de plus, Abd Al Malik surprend.
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Le POC - Pôle Culturel d'Alfortville, Alfortville
Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Montigny-le-Bretonneux
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