Écrivain français d’origine roumaine, Isidore Isou est né en 1925, à Botosani. En 1942, il découvre une phrase du philosophe allemand Hermann von Keyserling : « le poète dilate les vocables », qu’il lit « le poète dilate les voyelles ». Cette lecture l’incite à rédiger un premier manifeste de la poésie lettriste, prônant une méthode de création radicale et globale autour non plus des mots mais des lettres, des sons et des signes. Fin 1945, il s’installe à Paris et crée, en 1946, le lettrisme, un mouvement doctrinal, artistique et littéraire mais aussi social et politique. Isidore Isou publie notamment, en 1949, un Traité d’économie nucléaire, dont un des chapitres intitulé « Soulèvement de la jeunesse » inspirera Guy Debord et, en Mai 68, aura valeur de référence prémonitoire. Ce même Guy Debord, lettriste de la première heure, exclura finalement Isou de son propre mouvement, l’International lettriste qui deviendra par la suite l’International situationniste.
Génie incompris ou maniaque égocentrique, rangé par certains milieux intellectuels au rayon des utopistes et des fous littéraires, Isou est néanmoins l’auteur d’une oeuvre colossale et protéiforme, d’un programme esthétique pluridisciplinaire qui résonne de manière étrangement visionnaire en regard des pratiques artistiques d’aujourd’hui.
Sa méthode se veut un processus de création permanente régie par un système d’écriture intégrale qu’il baptise « hypergraphie » ou « créatique ». Ce système, il l’applique quasiment à tous les domaines du savoir, entre autres la philosophie, la mécanique, les mathématiques, la théologie, la psychiatrie, le roman, la peinture, la musique, le théâtre, la pantomime, qu’il veut débarrasser de son contenu narratif, et... la danse. La valeur théorique et historique du mouvement lettriste, bien que controversé et surtout largement oublié, me semble personnellement indiscutable, le chaînon manquant entre le dadaïsme et le situationnisme, qu’il nous appartient aujourd’hui de revisiter afin d’en éclairer, au-delà de ses impasses et peut-être à causes d’elles, les fulgurances et les possibles. La figure d’Isou, son ambiguïté voire sa méchanceté, son immodestie parfois grotesque mais aussi son intelligence phénoménale à la limite de la folie, est emblématique du mouvement. À mon sens, personne mieux que Georges Bataille, voulant le décrier, ne lui aura rendu hommage, en écrivant au sujet de son roman L’Agrégation d’un nom et d’un messie, étrange objet relevant à la fois de l’essai philosophique, de la fiction et de l’autobiographie : « TOUCHANT, AFFREUX, STUPIDE, RATÉ, PUÉRIL, GÉNIAL, AUSSI RISIBLE, AUSSI GÊNANT QU’UN DERRIÈRE NU. »
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Comédie Nation, Paris
Comédie Nation, Paris
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