On connaît le talent de Dominique Sarrazin, infatigable animateur lillois du Théâtre de la Verrière, pour adapter à la scène des œuvres romanesques fleuves, surtout quand il s’agit de littérature anglaise, et à faire se croiser sur un plateau des dizaines de caractères hauts en couleurs.
C’est ce qu’il nous propose avec David Copperfield de Charles Dickens, une œuvre qui l’attire par sa fantaisie, son extravagance et la généreuse humanité, croquée avec humour et tendresse, qui perce sous la satire la plus mordante.
Les personnages de David Copperfield (une trentaine au bas mot), aux patronymes étrangers, étranges pour moi depuis l’enfance, me sont une famille. Entre tous : Pegotty la servante (rousse ?) dont je rêvais enfant, comme David, de « becqueter comme un oiseau les bras rouges et durs »; le monstrueux, hilarant, « falstaffien », « beckettien », Mr Micawber, gigantesque « loser », surencombré d’une famille affamée mais qui, clown, camelot, persiste à « durer »; et le psychopathe Uriah Heep, et Mr Dick prenant sa tête pour celle de Charles I er (décapité en 1649), ânes envahisseurs de la tante Trottwood, et la petite Emily, amour d’enfant, enfance de l’amour, et les impitoyables et victoriens Murdstone, et le « byronien » Steerforth...
J’arrête là – à eux d’envahir la scène...
L’univers de Dickens est impitoyable mais les puissants y sont pitoyables. Il accorde les « privilèges » du grotesque, de la démesure, aux salauds comme aux victimes. Point de « psychologisme » chez lui. Tout est affaire de géographie, de physiologie et de météorologie.
Dickens était spasmophile, « visiteur » de prisons, voyageur, dactylographe réputé, embourgeoisé sans être rentier, hyperactif, mondialement célébré, hanté par le crime social, admirateur de la Révolution Française et... très anglais, donc, très théâtral écrivain ! On sait que Dickens idolâtrait le théâtre : ami du grand acteur Mac Ready, il fut spectateur passionné, producteur, auteur, comédien, génial lecteur public de ses œuvres...
Enfin, ce que Dickens dit de son lecteur, qu’il est « un puissant personnage », j’aimerais l’appliquer au spectateur.
Dominique Sarrazin
19, rue des Champs 59200 Tourcoing