54 X 13
36 manières dexposer 54X13
Extrait
Je me souviens, je me souviens...
Jai vu Sami Frey à la télé
qui disait un texte, du théâtre
Je me souviens, je me souviens
et il disait ce texte en pédalant
sur un vélo, il ralentissait,
il accélérait, essoufflé
Cest vrai quen pédalant
On se souvient de plein de choses
il y a peut-être un rapport
entre le mouvement des cuisses
et une partie du cerveau,
des nerfs, de lélectricité
ou un truc chimique.
54X13 est le roman dune échappée du Tour de France. La geste héroïque
dun anonyme Dunkerquois du peloton, Lilian Fauger, champion dun jour.
54X13 cest, accessoirement, une mesure du développement pignon / roue sur le vélo.
54X13 cest déjà un bon coup de pédale, du souffle, de lendurance et des
jambes.
Cest un rythme dans la phrase.
Cest épique.
Le roman de Jean-Bernard Pouy est un long monologue rythmé par les tours de pédale et
les efforts du coureur échappé.
54X13 nest pas un calibre au stand de tir. Simplement une mécanique meurtrière, la
chasse implacable du peloton. Léchappé : lévadé... Lénorme machine
de Tour, des crampes et la horde des souvenirs aux mollets du fuyard. De la frayeur, des
émotions. Et une relance constante. A la trompette, Eric Le Lann, Jacques Bonnaffé au
guidon.
Mais aussi...
Soutien moral et technique, Philippe Duquesne participe au spectacle par écran. Il est la
voix et le visage du code Wegmüller.
La scénographie et la collaboration artistique de Jean-Yves Legavre, les lumières
dOrazio Trotta, le travail photographique de Xavier Lambours assurent au coureur un
environnement de champion, une grande équipe.
54X13 est le récit dun exploit sportif. Au théâtre. Où lon ne parle pas de sport en général.
Dès lorigine, la bicyclette a suscité commentaires et morceaux de bravoure.
Comme si cette adjonction machine à leffort de lhomme, cette
opportunité nouvelle de crever les limites de souffrance avec des chaînes, des petits
pignons, un cadre solide et deux roues, affolaient du même coup certaines machineries du
langage.
La légende du vélo est aussi dans les mots, dans les mollets, donc dans les jeux de
mots.
Histoire de faire courir un peu les têtes, le spectacle 54X13 est composé , au delà de celle du texte, dune musique de trompette : Eric Le Lann accompagne Lilian Fauger dans les descentes, les montées , et même les faux-plats.
Ils accordent leur jazz aux saccades de lépreuve, et leur souffle au suspense.
54X13 Cest le public. Sans lui pas de course, pas de vélo. Labonné des bords de route ne plaisante pas : sans sa ferveur, aucun champion ne pourrait soutenir un tel dépassement dans la souffrance.
Demandant aux abonnés des théâtres une part de compassion pour ce bourreau qui les précède, nous proposons lépreuve dehors dans les cafés et dedans dans les théâtres.
54X13 Déroulement de la partie :
54X13 se propose dêtre dans un théâtre et de ne pas y être. (To be or not to be,
cest toujours ça de pris...)
Le roman peut se dérouler en plusieurs étapes : départ dans les bars / arrivée au
théâtre. Cest aussi parfois loccasion de décorer des portions de rues, des
lieux publics. Le rêve étant dassocier notre opération à un événement cycliste
local.
Mais on pourra si lon veut sen tenir à un représentation du soir.
Selon la formule, la course pourra commencer laprès-midi (ou début de soirée)
dans un café de la ville, nêtre quune bande-annonce de la course
du soir.
Durée : une demi-heure.
Nous espérons garder un jeu de relais, un mouvement au récit tel quil fut défini
dans sa toute première présentation en lecture-spectacle lors des
Langagières à la Comédie de Reims.
La répétition au Théâtre national de Bretagne à Rennes nous amène à définir une
scénographie. Une réflexion sur la mise en représentation dune narration
sportive. Un portrait pour le théâtre dun champion aux pieds fragiles.
Jacques Bonnaffé, septembre 2000
Une minute trente-deux :
ou bien je roule comme un perdu
ou bien ça mollasse derrière,
je ne suis pas un mec dangereux.
Je suis soixante-dix-septième au général, loin,
mais pas loin de Museeuw, dailleurs.
Celui-là, je vais le gratter avant Paris.
Je déconne, je laime bien le Musée du Cyclisme.
Je ne suis pas dangereux,
je suis à 2 h 36 de lEspagnol.
En TGV, ça fait Paris-Valence.
A lentraînement et si je pars de Dunkerque,
jarrive à Lille à ma vitesse, à ma main.
Ca y est, ça remonte :
en danseuse.
La dernière
côte si je
me souviens
bien.
Jespère.
Merde,
on
nest
pas loin
de Nogaro.
Bientôt
dans
les Landes.
Et
ça
grimpe
dur,
dur...
Des quarts,
des gamelles,
des bidons, des bibis,
des dondons,
des quarts,
des gamelles,
melles,
melles,
des quarts,
des gamelles,
des bidons.
Houlà,
les jambes.
Ce soir,
le massage...
Aah, le massage...
Lhuile, tout ça,
le mec qui te pétrit
les mollets,
qui les malaxe...
Ca tremblote,
cest divin...
Et après : les cuisses,
longuement...
Ca y est, cest fini,
la côte, cest fini,
je lai grimpée en force,
à larraché,
en puissance, ils vont dire.
La douleur séloigne un peu...
J.B. Pouy
76, rue de la Roquette 75011 Paris