9 mm

Romans sur Isère (26)
le 22 mars 2002

9 mm

Partout, on pense toujours à monter le plus haut possible. De plus en plus haut, c'est notre vie. Très haut on se rend compte...ou alors, ...non, ...on ne s'est rendu compte de rien...et on a tout oublié.

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Un mot de l'auteur
Extraits
La presse

Ce texte réveille en moi les ombres de ma jeunesse. Ombres des corps surchargés d'énergie des jeunes habitants des « grands ensembles ». « Grands ensembles » censés être préférables à un « petit chez soi » selon les slogans de la propagande officielle. Les « élus », urbanistes - architectes ­politiques ­ entrepreneurs ­ hauts fonctionnaires, proclament hautement cette conviction, mais à l'usage des « autres ».

Ensembles de masses d'où ne peuvent se décliner que des comportements codifiés et peu diversifiés ­ replifrileux dans son F3 s.d.b. ou bien jeu de hasard entre le petit ou le grand naufrage sur les espaces rectilignes et vides des avenues (aux noms exotiques et inconnus des habitants), dans les entrailles des souterrains et des caves abandonnées, au sommet des terrasses désertées où l'on vient « s'éclater ».

Et toujours, à deux pas, la caverne d'Ali Baba de la grande surface, blafarde cathédrale de la consommation de masse où tous et toutes se retrouvent ­ employés subalternes ou supérieurs, consommateurs acheteurs ou chapardeurs. Tous sont pris dans les mêmes mouvements, rituels chorégraphiés sur des parcours fléchés, passages obligés, ponctués par les deux grands moments, l'entrée presque libre dans la nasse et la sortie, contrôlées par les cliquets musicaux des caisses enregistreuses.

Là chacun est à son poste, les ordonnateurs de la cérémonie, les fidèles, payants ou délinquants. Parfois un enfant, innocent provocateur, s'empare de l'objet convoité, placé là, juste à la hauteur de ses yeux et de ses mains, il le tend impérieusement au « grand »,désemparé s'il est désargenté, démissionnaire s'il ferme le piège sur l'enfant en achetant. Monde des images ­ images de modèles comportementaux ­ images de soi qu'on veut saisir, qu'on saisit, qu'on observe, trop complaisamment, pris soi-même sous le balayage indifférent des multitudes d'¦ils de cyclopes des caméras de surveillance.

Images de monceaux de marchandises ­ nouvelle « ligne bleue des Vosges » pour qui il convient de mourir en combattant ou de vivre en consommant. Combat pour l'argent, licite ou pas. Les vies sont comme les marchandises, pas de stock, toujours à flux tendus, ni réserve ni repos, toujours la quête de la consommation. Vies sans hasard ni nécessité autre que produire pour détruire, pour produire pour détruire, pour vies ponctuées d'impasses mortelles où la fin guette les ombres impatientes, sans tambour ni trompette.

Fin de non recevoir : tout se passe ailleurs et les rôles étaient déjà distribués. Chacun ne peut se présenter qu'une fois pour participer à la grande représentation planétaire, toujours en vogue, toujours renouvelée de la très rentable « société du spectacle ». De toute manière, quand on est natif des « grands ensembles » on a rarement, au départ, la « pull position ».

Gilles Chavassieux

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Partout, on pense toujours à monter le plus haut possible. De plus en plus haut, c'est notre vie.

Très haut on se rend compte...ou alors, ...non, ...on ne s'est rendu compte de rien...et on a tout oublié. On a oublié comment on était en bas, ce qu'on a aimé, ce qu'on a pensé avant, comment s'appelait nos amis alors qu'on était en bas, nos parents même, la vie on l'a oublié en montant.

Mais quand même...quand même on peut, on doit, se sentir bien car on voulait y être depuis toujours et on y est enfin : haut

Et si, alors, plus haut, plus haut que tout, plus que tout ce qu'on s'imagine être haut ici, une voix se mettait à parler pour diriger elle-même cette vie qu'on avait su par nous même contraindre à nous aimer. Si cette voix avait alors le pouvoir de tout changer, de nous faire redescendre de tout là-haut même, nous rabaisser trés bas, encore plus bas qu'on était avant, sous terre même.

Alors ? Alors quoi ? On l'appellerait comment cette voix ?: La Voix ? Une voie, la malchance, le destin, les fantômes de nos ancêtres, ceux de nos enfants, le fantôme de nos morts qui nous inventeraient du remords et des regrets ?

Comment on l'appellerait alors cette voix ? : " C'est la vie ! ", une erreur de calcul, un drame ..., le diable ... et pourquoi pas Dieu tant qu'on y est ?

Lionel Spycher

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« 9 mm »de Lionel Spycher publié aux Editions Actes-Sud papiers

M.Kleber : Qui a dit que nous ne pourrions pas nous entendre ?
Parce que, voulez-vous savoir ce que je pense vraiment ?
Je pense que dans ce monde il n’y a pas trente-six mille races, pas même dix, il y en a deux en tout et pour tout.
Nous sommes de la même race monsieur Vendetti.
Nous sommes de la race de ceux qu’on n’ose pas arrêter, ceux qui savent serrer les dents pour y arriver, ceux qui n’ont pas besoin de béquilles pour marcher, ceux qui se sont faits tout seuls, sans père, ni Dieu, encore moins de destin chez eux. Nous avons appris par nous-mêmes à serrer les dents, sans explication, par la seule force de notre intelligence, c’est une force que nous avons au fond de nous.
Si nous appartenons tous les deux à cette même race, alors inutile de se faire la guerre, cela serait une perte de temps stupide et indigne de notre rang.
Vous me comprenez ?
Je n’essaie pas de fuir, je comprends que pour vous comme pour moi ce bon d’achat est ridicule. Je vous ai compris et vous partirez rassuré. Je veux simplement que vous me compreniez pour que vous puissiez prendre conscience de la race à laquelle vous appartenez, car il me semble que ne réalisez pas tout à fait la chance que vous avez. Je m’excuse, je ne voulais pas parler de chance. La chance et la malchance vont avec le destin, elles reviennent aux autres.

Bruno Vendetti : Des chiffres monsieur Kléber, c’est des chiffres que je suis venu parler.

M.Kleber : Vous croyez peut-être que je n’ai qu’à fouiller mes poches pour en ressortir des chiffres tout ronds ?

Bruno Vendetti : Des phrases, vous essayez de m’endormir avec vos phrases. Demain j’enterre mon frère, dans deux jours je console ma mère, et dans trois vous m’aurez oublié. Donnez-moi les chiffres et dans trois jours tout est fini.

M.Kleber : Et la cassette ?

Bruno Vendetti : Avec les chiffres j’oublierai la cassette.

Alfa Allamodio : Et si la neige ne fondait plus jamais et que cette minuscule boule restait immobile ?
Si plus rien ne poussait, plus rien de vivant, que du vent ?
Si de tout la-haut, de plus haut que tout ce qui est haut partout ici, la neige avait continué doucement de tomber, comme un doux voile, et que ce voile s’étirait maintenant jusqu’à l’océan, que même les vagues ne bougeaient plus ?
La terre se serait arrêtée de tourner, et quoi alors ? Après la panique et les questions sans réponse, quoi ?
Le silence. Enfin, le silence. La fin, la mort, finalement la mort.
La neige avait arrêté les armées du malheur sur les chemins de la guerre. Des petits soldats malins, les restes d’ombre, embourbés dans le plâtre frais essayaient encore de s’échapper mais c’était déjà trop tard, et tout était bien comme ça.
Finie cette vieille race humaine égoïste et guerrière qui avait fait son temps et qu’aucune des espèces animales qui supporterait le froid n’allait regretter. Elle-même ne se regretterait pas, elle avait trop souffert et si son âme pouvait survivre quelque part, très loin, elle pourrait bien penser que tout était mieux ainsi, depuis que son corps n’existait plus. Cette race, s’était trop fait souffrir, ses divisions, ses peurs et ses désirs ne lui avaient apporté que du malheur et ses maladies l’avaient condamnée.

La Voix : Encore tu parles seul Alfa.

Alfa Allamodio : C’est toi ? Petit oiseau, tu es de retour ?

La Voix : Je reviendrai encore. Notre secret Alfa, tu as oublié ?

Alfa Allamodio : C’est que je rêve.

La Voix : Fais voir tes mains, Alfa.
Comme elles sont grandes.
Elles sont grandes, alors tu es riche avec ça.

Alfa Allamodio : Tu te moques comme les ombres.

La Voix : Et quand tu parles, presque on pourrait croire, tu chantes.

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" Je trouve drôle et réussie son utilisation de la vidéo, surtout quand sont projetées les scènes, légères, tournées dans un supermarché. Cela marque une pause dans l'histoire. Il a su éviter le côté didactique que peut avoir mon texte. Il a imposé un phrasé rapide aux comédiens qui évite de s'appesantir et nous fait basculer d'emblée dans l'absurde. Sa version évite le côté plombé de la tragédie. " Lionel Spycher - Lyon Capital

" On apprécie l'étrangeté, une poésie certaine, et ce juste équilibre trouvé entre tragique et absurde… " Nelly Gabriel - Lyon Figaro mars 2001

" On rencontre au sein d’une moyenne surface cinq personnages issus de la banlieue. Ils ont tous des parcours divergents. Là où l’un prône l’utilisation de toutes les pires ressources du capitalisme, l’une joue sur la promotion canapé quand l’autre ne sort pas de sa léthargie enfumée uniquement pour fomenter un coup fourré. Leur destin va basculer à la suite d’une sordide histoire de vol de combinaison de Superman commis par le frère du fumeur de joints. Gilles Chavassieux entretient efficacement le suspense. Entre onirisme et réalisme brut, sa mise en scène joue sur deux hauteurs de plateau et utilise judicieusement un écran vidéo. " Libération – Nicolas Blondeau – 6 mars 2001

" Gilles Chavassieux interpelle avec efficacité un public tenu en haleine par la mécanique rigoureuse qu’il met en marche. Mouvements chorégraphiques tenant du jeu d’échecs et images-vidéo aidant, c’est l’implacable histoire banale d’une mort ordinaire. Une histoire où les miroirs aux alouettes de la réussite sociale déforment si bien la réalité (y compris celle du plateau) qu’ils induisent en erreur fatale… Une histoire que sert avec une distance toute brechtienne une impeccable équipe de jeunes acteurs. Marielle Créac'h - Lyon Poche - mars 2001

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Informations pratiques

La Presle

Avenue du Chanoine Jules Chevalier 26100 Romans sur Isère

Spectacle terminé depuis le vendredi 22 mars 2002

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