À la folie Feydeau

• Une boîte à musique qui s'emballe

Voici trois comédies de Georges Feydeau réunies en un même spectacle. Trois visions féroces du couple qui se découvre, se déchire, se retrouve… Entraînés comme par un mécanisme de boîte à musique sur des airs de manège, des pantins désarticulés, la cocotte, le bourgeois, le valet, le gandin et autres fantoches se croisent, se décroisent, s’entrechoquent. Quatre acteurs se transforment et se travestissent pour donner vie à cette farandole de créatures déjantées.

La première pièce – l’une des premières de Feydeau – Amour et Piano, s'ouvre sur une situation a priori bénigne : une jeune fille attend son nouveau professeur de musique, un célèbre maestro. Un jeune homme arrive, mais ce n'est pas le maestro… Un rocambolesque quiproquo les entraîne alors à folle allure dans des méandres inattendus et délirants.

La deuxième pièce, Feu la mère de Madame, commence au moment où, venant de se coucher, un couple est réveillé par un domestique qui vient annoncer « la mort de la mère de Madame ». S'ensuit alors un tourbillon d'événements cocasses, qui déclenche une cascade de coups de théâtre.

La troisième pièce, Les Pavés de l'ours, met en scène un jeune homme du monde qui engage un domestique belge le jour même où il a prévu de se séparer de sa maîtresse. Le nouveau domestique – une brute au coeur tendre – va commettre ineptie sur ineptie, et faire dérailler la stratégie de rupture imaginée par le jeune homme.

• Un effet d'étourdissement

Avec ces trois pièces, nous avons voulu réduire au plus petit dénominateur commun ce qu'on pourrait définir comme le « système Feydeau ». Un lieu multiple, des situations rocambolesques, quatre personnages… Et de la comédie à tire-larigo ! Notre intention est de jouer ces textes tels que l'auteur les a rêvés : que la mécanique vaudevillesque déclenche des rires en cascade pendant une heure et demie, chaque séquence étant ponctuée de chansons touchantes ou cocasses sur le thème de l’amour.

La thématique de l'amour est abordée sous trois facettes différentes, correspondant aux intrigues de chacune des pièces. Porteuse des chansons, le personnage féminin nous fait passer d’une intrigue à l’autre. Nous avons respecté la structure des intermèdes traditionnels, mais écrit de nouvelles paroles dans un souci de modernité.

Composé de trois structures mobiles, le décor prend des allures de boîte à musique. Une boîte à musique dans laquelle les quatre comédiens virevoltent en un incessant manège, se partageant une dizaine de personnages. Les costumes dessinent des silhouettes empruntées aux cartoons et bandes-dessinées.

Le choix des interprètes s'est fait dans le respect de la folie propre à Feydeau.Nous avons souligné délibérément les effets de rupture. La mise en scène suit le plus fidèlement les mouvements de cette machinerie de telle sorte qu’elle crée un effet d’étourdisement.

Léonard Matton, metteur en scène

• Le triomphe de la pièce courte

Georges Feydeau est né en 1862. Lorsque le Théâtre de l'Athénée représente en 1883 Amour et Piano, c'est donc un tout jeune auteur de 21 ans. En 1895, soit douze ans plus tard, il écrit Les Pavés de l'ours. Feu la mère de Madame sera écrit à nouveau douze ans plus tard, en 1907. Et en 1919, à nouveau douze ans plus tard, Feydeau sera interné pour folie à la clinique du docteur Fouquart.

À la folie Feydeau !, notre spectacle, répond au désir d'embrasser la « folle » vie de l'auteur Feydeau : de ses débuts jusqu'à l'auteur accompli qu'il est devenu. Chaque pièce du spectacle est un jalon qui permet de mieux appréhender l'ensemble de l’oeuvre qu'une seule longue pièce.

Toute sa vie, Feydeau aura écrit des pièces courtes. Près de la moitié de ses pièces durent moins d'une heure. La première de ces pièces a entrer au répertoire de la Comédie-Française en 1941 : Feu la mère de Madame en est l’exemple. Les dernières de ces petites formes sont, parmi les plus célèbres : Mais n'te promène donc pas toute nue ! ou encore Léonie est en avance. La toute dernière étant Hortense a dit « je m’en fous ! ». Ces courtes pièces ne sont donc pas des brouillons, ou des expérimentations en vue de « grandes pièces » mais bien des concentrés de mécaniques dramatiques.

Faire s'enchaîner trois pièces en un acte, faire jouer aux acteurs trois rôles, hommes et femmes confondus, c’est incarner cette théâtralité qu’a voulue Feydeau, c’est obéir aux lois de cette horlogerie virevoltante qu’est son théâtre. Le mouvement, pour Feydeau, est « la condition essentielle du théâtre et par suite le principal don du dramaturge ». Il savait de quoi il parlait : Feydeau mettait en scène ses textes lui-même et se révélait impitoyable envers les comédiens qui ne respectaient pas le tempo de son écriture. Cet À la folie Feydeau ! est un hommage amoureux à ce théâtre qui a mené son auteur jusqu’à la folie, au sens propre du mot.