Elle chante du cabaret dans sa cuisine, c'est Marlène. Elle rempote des plantes sans fin, c'est Joséphine. Elle prend l'hôpital pour un aéroport, c'est Sissi. Elle ne se prend pour rien et elle est tout à la fois. C'est Katrin, l'âme de Berlin. Et quand elles se rencontrent, un vent de folie burlesque souffle sur la ville !
C’est l’histoire de deux sœurs d’une vingtaine d’années, Sissi et Joséphine, déconnectées du monde, perdues dans un Berlin accueillant et mystérieux. Flanquées d’une voisine déjantée au nom évocateur de Marlène, elles tâtonnent, cherchent vainement à se parler, en butte à leurs propres peurs. Jusqu’à ce qu’apparaisse la très mystérieuse Katrin, personnage un brin fantomatique, qui incarne tout à tour différentes époques de la vie berlinoise…
Katrin et Marlene pourront-elles réconcilier les deux sœurs ? Dans cet univers loufoque et poétique, les actrices improvisent vocalement autour des personnages en scène, comme pour un « bœuf théâtral ».
Lorsque j’étais enfant, ma mère disait toujours qu’il ne faut pas retourner sur les lieux qu’on a beaucoup aimés. Alors évidemment, j’ai voulu y retourner… et sans relâche ! Berlin-Fragments est un pèlerinage dans mes souvenirs de Berlin. "Privé de mémoire, l’être humain devient le prisonnier d’une existence toute en illusions. Il est alors incapable de faire le lien entre lui et le monde, et il est condamné à la folie" écrit Tarkovski dans Le Temps scellé. Or, mes héroïnes, qui sont sans mémoire, flirtent dangereusement avec la folie…
Je ne voulais pas parler des sujets graves dont traite Berlin-Fragments – la peur de grandir, la maladie, la détresse amoureuse, la solitude - avec sécheresse. L’humour est un rempart contre le pathos. Cette insouciance, c’est l’esprit berlinois dans toute sa splendeur, et j’ai voulu qu’il souffle sur cette histoire. Les quatre actrices jouent sur le fil ténu d’un "rire mouillé de larmes", comme le disait Baudelaire, et créent une partition théâtrale pleine de hauts et de bas, de fausses notes, de rondes et de croches, jusqu’à la réconciliation : le dialogue est possible, et grandir n’est pas si grave – tout ce qu’on risque, c’est de mourir un jour…
Manon Heugel
41, rue Volta 75003 Paris