Boucherie de l'espérance

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Le Chant profond de Kateb Yacine
La presse

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Deux hommes balaient le désert et s'en disputent la propriété, la langue et la culture. Pour les départager, Yacine - le poète et le provocateur - en appelle à de nombreuses autorités : figures historiques connues ou personnages emblématiques d'un monde arabe déchiré, chassé de sa terre, humilié.

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• Le Chant profond de Kateb Yacine

Né en 1929 à Constantine, poète, dramaturge et romancier, l'auteur de Nedjma est considéré comme le fondateur de la littérature Maghrébine moderne de langue française. Kateb Yacine, qui après l'indépendance de l'Algérie n'a jamais coupé les ponts avec la France, écrit une farce magnifique entre 1968 et 1970 : Boucherie de l'espérance.

La pièce appartient à ce que Yacine a lui-même titré : " la guerre de 2000 ans " . Elle rompt avec la première partie, la plus connue sans doute, de l'oeuvre théâtrale et poétique de l'écrivain et adopte un nouveau style, plus corrosif, moins lyrique, des répliques courtes qui, toutes, prennent leur source dans la culture populaire du Maghreb. Dans chaque pièce de " La guerre de 2000 ans " on retrouve la figure du " J'Ha " , sorte de " brave soldat Schweyk " ou de " djinn " par qui se transmettent oralement la poésie, le théâtre et la littérature arabe.

Boucherie de l'espérance, au titre hautement évocateur, a été lue à l'Union des Écrivains libanais à Beyrouth en 1970. Depuis cette date, Kateb Yacine se consacrait au théâtre populaire de langue arabe. Sa dernière pièce en français Le Bourgeois sans-culotte (1988), a été écrite en hommage à Robespierre dans le cadre du bicentenaire de la Révolution Française.

Son oeuvre litteraire a été couronnée par le Grand Prix National des Lettres (France) en 1986. I l est mort à Grenoble en 1989.

Ce poète au chant bouleversant,soudainement émergé de l'Algérie profonde, a marqué de son étoile de sang toute la génération de l'après-Seconde Guerre mondiale. Il est urgent de lire,d'entendre aujourd'hui ce grand autre de nous-mêmes, ce clandestin qui s'introduit dans notre mémoire à la faveur d'un équivoque passeport de langue française et nous dérange par tant de familiarité mêlée à tant d'étrangeté radicale. Alorsque nous nous accrochons aux pans de notre identité, refusant de reconnaître que l'Autre, depuis des siècles, est déjà en nous, Kateb nous force à nous décentrer, à entrer par mimétisme dans son jeu et son monde afin que, dans le jardin parmi les flammes, notre coeur devienne capable de toutes les formes.

Jacqueline Arnaud

Son oeuvre est publiée aux éditions du Seuil : Nedjma, roman (1996), Le cercledes repré-sailles, théâtre (1998), Le Polygone étoilé, roman (1997), l'Homme aux sandales de caoutchouc, théâtre (1997), Le Poète comme un boxeur, entretiens (1994), Boucherie de l'espérance (1999).

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• La presse

Frères ennemis
Moïse le balayeur et Mohamed le chômeur se disputent le désert sous le regard amusé du rabbin et du mufti qui en rajoutent même un peu, histoire de briser une cohabitation millénaire entre ces deux hommes, symboles des deux peuples qui occupent la Palestine. Les grandes puissances, Grande-Bretagne et France en tête, s’en mêlent à leur tour, les marchands attirés par le pétrole et les potentats locaux aussi.
En moins d’une heure, dans une succession de micro-cellules théâtrales à l’écriture corrosive, Kateb Yacine retrace le destin de ce bout de désert qui continue à nourrir l’actualité des médias. (…)
Cette objectivité face aux événements constitue l’un des tours de force de « Boucherie de l’espérance », un texte écrit par Yacine à la fin des années soixante. Une œuvre prémonitoire où se dessinent déjà les contours d’un conflit qui, par la suite, prend un caractère de plus en plus violent.
Gilles Chavassieux et Philippe Mangenot ont cosigné ce « chantier ». Ils ont adopté un registre populaire et parodique, nourri par la commedia dell’arte et l’esthétique de Peter Brook. Pour autant, pas question de passer sur les questions fondamentales que pose le texte de Yacine. (…)
Sur le plateau où les comédiens endossent plusieurs personnages, parfois pour quelques secondes seulement, souffle un vent de fraîcheur qui stimule la fluidité et la légèreté d’un jeu juste qui transcende une parole plus que jamais d’actualité.

(Le Progrès – Antonio Mafra – 14 avril 2001)

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