Britannicus

le 20 mars 2001

Britannicus

CLASSIQUE Terminé

Qu’est-ce qu’un monstre naissant ? Ni plus ni moins qu’un homme. Néron est un homme qui découvre le monstre qui naît en lui.

Mettre en scène Racine à la fin du XXème siècle
La pensée du monstre
Britannicus
Ce qu’en pense la presse

Mettre en scène Racine à la fin du XXème siècle

Ce théâtre des passions interdites, inavouables, monstrueuses, ce théâtre du désir, de la souffrance et de la mise à nu des âmes à l’évidence nous touche encore aujourd’hui.

Non pas que nous nous confondions avec les héros raciniens ou avec leurs modèles antiques : trois siècles nous séparent du temps de l’écriture du poète et deux millénaires de l’antiquité romaine dont il s’est inspiré pour “Britannicus” et c’est justement cette double distance et l’étrangeté qui en résulte qu’il est intéressant de mettre en scène afin d’ouvrir le spectacle sur une (re)connaissance et une proximité.

Le Néron de Racine, s’il nous apparaît avide de pouvoir, de jouissance, est encore timide dans l’expression de ses désirs, il n’est qu’un “monstre naissant” très éloigné dela connaissance qu’on a de lui à travers l’Histoire romaine : on le voit sur le théâtre dans une dépendance infantile envers sa mère Agrippine dont il cherche à s’affranchire ; on le voit interdit devant la pureté inaccessible de Junie ; on le voit subir les influences contraires de Burrhus et de Narcisse, hésitant à choisir entre les possibles qui s’offrent à lui : gloire ou plaisir , vertu ou crime ; on le voit retarder l’issus fatale que le public, qui en sait plus que lui, connaît l’Histoire : bien sûr il tuera Britannicus.

Mais il y a aussi la puissance de la construction de l’intrigue, de cette formidable machine à produire de l’action et le public se surprend à croire dans l’acte IV (l’acte où la réversibilité fonctionne à plein) à sa conversion définitive à la vertu, à croire qu’il échappera à son destin, qu’il ne rejoindra pas son mythe.

Il y a là non seulement cette suspension qui fait tout le plaisir du spectateur d’aujourd’hui, mais une distance, presque une distanciation qui l’incite à la réflexion critique sur les questions de l’amour, du pouvoir, du désir de meurtre, autant d’énigmes que la pièce ne résoud pas.

Alain Bézu

La pensée du monstre

“J’avoue que je ne m’étais pas formé l’idée d’un bon homme en la personne de Néron. Je l’ai toujours regardé comme un monstre. Mais c’est ici un monstre naissant. Il n’a pas encore mis le feu à Rome. Il n’a pas tué sa mère, sa femme, ses gourverneurs. A cela près, il me semble qu’il lui échappe assez de cruautés pour empêcher que personne ne le méconnaisse”. Jean Racine

Qu’est-ce-qu’”un monstre naissant”? Ni plus ni moins qu’un homme. Néron est un homme qui découvre le monstre qui naît en lui. Là est le génie de Racine: de ne pas avoir fait de Néron l’absolument autre, celui que sa “monstruosité” exclurait de l’humanité, nous le rendanr définitivement étranger, suscitant tout au plus en nous de la répulsion. Cela ne fearit pas une œuvre qui nous touche de cette tragédie dont le centre est le sujet-la conscience agissante-sont bel et bien Néron, aux prises avec le plus humain des liens (le lien avec la mère). Ce sont les détours de sa pensée, ses tergiversations (l’incroyable acte IV!), son recul devant le Mal avant que, sous la pression de Narcisse, il n’y cède, qui constituent le mouvement de fond de la pièce. Il n’y a pas de fatalité du crime dans Britannicus, celle-ci est constamment réversible, jusqu’à ce que, bien sûr, l’irréparable soit commis, qui laisse Néron démuni, vide, “réveillé” peut-être,privé de l’objet –Junie- pour lequel, plus que le pouvoir (mais tout ceci est lié, le politique et l’affectif inextricablement tressées), il l’a accompli. Ce Néron-là, c’est le récit d’Albine qui nous le montre, récit qui clôt et englobe la pièce, comme Albine contient en cet instant Néron, qui porte en lui l’image de Junie, qui porte en elle Britannicus mort. Humanité dans laquelle se fond la singularité monstrueuse de Néron et que la pièce nous implore de regarder enface, humanité et monstruosité elles aussi inextricablement tressées. Demandons-nous alors: et si nous ignorions la suite de l’histoire (ou plutôt de l’Histoire)? Nous pourrions entendre ce que disent, après ce récit, les deux dernières répliques de la pièce (Agrippine: “Voyons quels changements produiront ces remords”): la résistible montée de Néron vers le crime.

Joseph Danan

Britannicus

Jusqu’à maintenant soumis à l’autorité de sa mère, Agrippine, le jeune empereur Néron tend à s’émanciper. En pleine nuit, il fait enlever Junie, la fiancée de son demi-frère Britannicus, et, condanne sa porte à Agrippine.

Agrippine songe à s’apuyer sur Britannicus, qui est l’héritier légitime de l’Empire, pour ramener Néron à l’obéissance. Mais celui-ci, tombé amoureux de Junie, ne se laisse arrêter qu’un instant par les conseils des uns ou les supplications des autres. Il fait arrêter Britannicus, garder à vue sa mère. Un instant encore, il hésite au bord du crime…

Ce qu’en pense la presse

“…Dans un décor dépouillé à l’extrème où la lumière joue sur cette alternance de clair obscur avec une violence qui n’a d’égale que la limpidité aveuglante de la passion des sentiments, les entrées et sorties des acteurs s’articulent comme par magie. Point de maniérisme ni de redondances : la mise en scène est d’une précision et d’une concision draconienne, s’articulant sur la seule force du verbe et non sur des effets qui viendrait nuire à sa limpidité, laissant la tragédie dérouler son tapis d’intrigues. Ajoutons au plaisir que procure ce Bricannicus des costumes d’une sobre élégance pour (re)découvrir une pièce d’une acuité moderne”. L’humanité, Zoé Lin, Janvier 2000

““Que la bouche et le cœur sont de peu d’intelligence” (…). Cette remarque renferme toute l’intrigue, et le plus grand mérite des comédiens consiste à en réconcilier les termes.” L’Express, Fabienne Arvers, Février 2000

« (…) Alain Bézu s’intéresse à ce jeune Néron, à ce monstre naissant dont parle le poète. Il s’appuie sur des comédiens très tendres d’âge, comme le sont les personnages de Racine et cette décision claire donne à sa mise en scène l’évidence de la proximité. (…) C’est un bon spectacle, d’abord respectueux de la langue et de ses subtilités et ce travail-là donne son homogénéité à la troupe. On entend donc très bien la pièce et chaque rôle est tenu rigoureusement. (…) Alain Bézu ne révolutionne en rien la manière d’aborder Racine. Mais il y a dans ce travail d’une grande probité et d’une vraie intelligence quelque chose qui accomplit, pour aujourd’hui, tous les possibles de la pièce. Les jeunes en particulier le comprennent. Racine est proche. » Le Quotidien du médecin, Janvier 2000

« J’ai vu Britannicus au TEP (Théâtre de l’est parisien, direction Guy Rétoré), dans une mise en scène d’Alain Bézu. Aucune extravagance de mise en scène, aucune réactualisation provocatrice, pas de paires de seins qui traversent l’espace freudien à mobylette. Juste de l’intelligence. C’est sobre, c’est beau. Le metteur en scène respecte le texte, et donc les comédiens le respectent aussi ; et donc çà marche, et nous aussi on marche ». Jacques Bertin, Politis, Janvier 2000

“Néron (Vincent Berger) l’enfant tyran qui s’ignore, parfois, et qui naît pris entre Burrhus et Narcisse, s’éveille à l’amour, à la jalousie, à la cruauté, à une vie libérée de l’emprise d’une mère (Catherine Dewitt en Agrippine) qui lui transmet toute l’horreur des crimes qu’elle a commis pour lui, tout son instinct violent de domination.
Une vie mise en scène par Alain Bézu, sobre, dépouillée, en ombres grises, lieu des tourments et du mensonge, théâtre du présent où les acteurs doivent se courber par une porte-guillotine, inéluctable et menaçant couperet. Ils semblent encore plus grands mais d’une majesté illusoire et presque fate. Lumière aveuglante où la vérité surgit, aussi crue soit-elle, où les forces en présence s’expriment clairement, s’affrontent de tout leur puissance, sans louvoiement…” L’Actualité, Claudia Montanari, Janvier 2000

« Faut-il parler de la pièce de Racine « Britannicus » comme d’un texte ancien et démodé ? Faut-il au contraire, y entendre des accents très contemporains sur ces abus de pouvoir qui conduisent nos sociétés à la dictature et au fascisme ? Le directeur du « Théâtre des 2 Rives » de Rouen, Alain Bézu, laisse la question ouverte. Sa mise en scène d’une magistrale sobriété et d’une éclatante beauté interroge, pourtant, chaque spectateur au cœur de l’émotion. Sur la tyrannie du jeune Néron jusqu’alors maîtrisée par sa mère Agrippine et qui va exploser en coulisses, sur ces pulsions de mort à l’encontre de Britannicus contrariées par la pureté fascinante de la belle Junie… Entre douceur et violence, amour et haine, pardon et crime, l’Histoire a tranché mais le vers racinien est là pour nous rappeler que les retours à la tyrannie sociale ou politique sont toujours d’une brûlante actualité. Avec Vincent Berger, dans le rôle titre, d’une superbe présence. » La Vie ouvrière, Y.L, Janvier 2000

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Informations pratiques

Maison des Arts à Laon

place Aubry 02000 Laon

Spectacle terminé depuis le mardi 20 mars 2001

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