L’enfant a onze ans lorsque la seconde guerre mondiale éclate, c’est son regard, sa parole que l’on va suivre, pas à pas, de la mobilisation à la libération, l’exode, la collaboration, la résistance, les petites gens d’une époque barbare, si proche de la nôtre ; on suit l’enfant qui grandit, on suit celui qui apprend « l’Homme ».
Sur la scène, des caisses de bois, vides, une table, des chaises, un escabeau. Une radio. Trois lieux dramaturgiques où se dérouleront les événements. Au fond, centre de la scène : Le bistrot, lieu de discussion, de débat, de questionnement, les verres se vident, la TSF grésille. A jardin, un espace réservé au piano. Piano mélodieux par moment Piano accompagnant les bombardements. A cour, l’espace de l’enfant. Voix du spectacle. Un escabeau, où l’on se réfugie, d’où l’on observe les grands qui pleurent, qui hochent la tête, discutent. Et l’accordéon diatonique de l’enfant. Sa musique nostalgique et enfantine rythme ses peurs, ses questions, ses silences, ses secrets.
Ce livre m’obsède depuis près de vingt ans. J’avais à peine plus de vingt ans quand il est sorti. Un coup dans le coeur, un coup dans le ventre. Tout simplement. Je fréquente depuis de longues années la parole de ce poète, les tempêtes, les obsessions, les histoires de vie, d’amour, de femmes, d’hommes, histoires racontées, narrées, dans un flot de mots de sons de phrases cassées, fluides, sensuelles, vivantes, follement musicales. J’aime.
Je veux faire ici une chose très simple. Il ne s’agit pas de jouer. Il s’agit de transmettre. Transmettre la parole du poète. La parole de l’enfant. La parole vécue. La parole témoin.
Trois comédiens. Quelques objets hétéroclites. Un piano. Un accordéon. Et C’est la guerre. Dans sa crudité. Pour ne pas oublier.
« -C’est quoi la guerre ? »
« -Occupe-toi de ta soupe ! Mange !
« Je ne sais pas ce que c’est la mobilisation générale, mais je suis bien
content que ce soit la guerre. »
« J’ai quatorze ans
J’ai quinze ans
J’apprends l’homme
L’homme est une saloperie »
« Mon père il part ce soir
Le mien aussi
Y paraît qu’y aura des camions pour venir les chercher
Le mien il part en train. Ma mère elle lui a préparé sa musette.
La mienne aussi. Elle a mis plein d’écharpes et de chaussettes pour l’hiver. »
« Les maisons sont sévères
Le calvaire au sommet de la colline
Le christ en pierre
L’herbe est rase
Brune
Le vent rafales cinglantes sur les joues et les cuisses nues
Le soleil est un gros ballon de sang dans la laine violette et noire des
nuages
La terre est dure
Les petits cailloux s’enfoncent dans les genoux
Je suis venu demander au petit Jésus que ce ne soit plus la guerre »
6, rue Pierre-au-Lard 75004 Paris