En toute intimité, dans un salon de l’Hôtel Gouthière, un conteur, une soprano et un joueur de théorbe vous invitent à goûter contes polissons de La Fontaine et chants français du XVIIe. Là, vous ne rencontrerez ni cigale ni fourmi mais douce bergère gentille de corsage et jouvenceau friand au corps jeune et frais.
Quand certains opéras se jouent dans des stades et que des pièces intimistes sont interprétées par des comédiens sonorisés, il est certainement étonnant de redécouvrir la convivialité très particulière du "spectacle de salon".
Mais Coquineries de La Fontaine n’est pas la reconstitution historique d’un spectacle du XVIIème. L’interprétation improvisée parmi les spectateurs, en refusant la position frontale du récital, permet une intimité et une complicité entre tous, où cette langue rare : le français de La Fontaine, peut être bien entendue - c’est à dire au sens XVIIe bien comprise…
Quant aux boudoirs, petits et grands salons, tombés en désuétude, mais pour lesquels ce spectacle est conçu ; on en retrouvera l’esprit dans l’une des plus belles salles de l’Hôtel Gouthière… déménagée du mobilier moderne et qui sonnera alors au diapason de La Fontaine et de la musique baroque.
Au cours du spectacle, les contes de La Fontaine : Le cas de conscience, Le calendrier des vieillards, Comment l’esprit vient aux filles, Le psautier et Conte tiré d’Athénée sont accompagnés d’airs extraits de la production galante de musiciens de Cour : Revenez Amours (Prologue de Thésée) de Jean-Baptiste Lully, Je suis ravie de mon Uranie de Étienne Moulinié, Vos mépris chaque jour de Michel Lambert, Un feu naissant de Joseph Chabanceau de La Barre, Maintenant quand les cœurs sont tous pleins d'amouret Qu'on ne me parle plus d'amourde Gabriel Bataille, Ombre de mon amant de Michel Lambert et d’une lettre dictée par La Fontaine recevant l’extrême-onction le 12 février 1693.
L’art du conte chez La Fontaine marque l’aboutissement d’une longue tradition. On trouve ses racines dans l’Antiquité, le Moyen-Age français, la Renaissance italienne et les recueils facétieux du XVIIème siècle. Les sujets des contes ont été puisés chez Petrone, Boccace, l’Arioste, Machiavel, Rabelais… Dans le prolongement de la littérature galante et badine qui fleurit à l’époque, les contes de La Fontaine d’un côté confinent au burlesque, de l’autre à la préciosité, qu’ils pimentent assez pour la sauver de toute fadeur.
Charles Perrault, dans son éloge de La Fontaine écrit : "Il n’inventait pas les fables, mais il les choisissait bien, et il les rendait presque toujours meilleures qu’elles n’étaient. Ses contes qui sont pour la plupart des petites nouvelles en vers sont de la même force, et l’on ne pourrait en faire trop d’estime s’il n’y entrait point presque partout trop de licence contre la pureté ; les images de l’amour y sont si vives qu’il y a peu de lectures plus dangereuses pour la jeunesse, quoique personne n’ait jamais parlé plus honnêtement des choses déshonnêtes".
Gageons que l'écoute des contes est aujourd’hui délicieusement dangereuse et qu’elle témoigne d’un regard qui a l’humanité de celui qui écrivait "Il n’est pour voir que l’œil du Maître. Quant à moi j’y mettrais encor l’œil de l’Amant".
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