Lieu : Théâtre en bois, 15 route de Manom.
"La réalité est la moins saisissable des vérités." René Char
« J’ai le projet raisonnable d’écrire et de créer une pièce par an pendant quarante ans » : voilà qui constitue la provocation, le projet de vie de Joël Pommerat. Quand on lui pose la question de son regard sur le théâtre, il fait appel à Don Quichotte, celui-là qui « donne sa foi à la réalité d’une chevalerie disparue, mais pour laquelle il continue d’œuvrer. C’est un bel acte politique que de continuer à faire exister quelque chose qui n’est plus. Je fais en sorte que le théâtre perdure, comme si cette valeur existait toujours. Un mouvement absurde, héroïque et pathétique à la fois. » « Un espace vide » hante Joël Pommerat : « je cherche ce que je ne trouve pas et je continuerai à le traquer ».
Pour lui, « la manière de dire au théâtre est plus essentielle encore, plus précieuse même que ce qui est dit… Le texte, la phrase ne pèseront pas bien lourd, ne pèsent à vrai dire rien, isolés de la question du jeu de l’acteur. » Et c’est pourquoi il ne distingue pas les deux phases d’écriture, sur le papier puis sur la scène. L’œuvre se fait en se faisant, une longue rêverie qui dure plusieurs mois ; en résultent des notes et des fragments. Vient alors le temps des répétitions-écriture : les notes prennent vie dans leur interprétation par les comédiens, dans leur installation dans un environnement scénique ; ce qui advient suscite une nouvelle phase d’écriture. Et finalement, une mise en scène précise, mais qui ne fige pas le sens du texte une bonne fois pour toutes, qui vise à le laisser ouvert. Une création collective qui implique dès ses premiers moments tous les ?artisans? du théâtre et qui explique la longue complicité de Joël Pommerat avec les membres de sa Compagnie Louis Brouillard, fondée en 1989.
Le but de tout cela : « pour moi, le théâtre doit empoisonner la réflexion et tenter de nous faire sortir de nous-mêmes. En cela peut-être il est politique, et sincèrement polémique ». Il s’agit de nous faire ressentir que « ce qui nous est le plus familier nous est aussi le plus étranger ».
D’une seule main répond au désir de poursuivre ce que Joël Pommerat a commencé avec son précédent spectacle Au monde, l’exploration de certains thèmes, de certaines figures du pouvoir, des gens de pouvoir mais vus sous un nouvel angle. C’est ainsi que nous découvrirons « des figures politiques et sociales qu’on pourra reconnaître. D’une seule main traite de la difficulté d’être confronté aux responsabilités de l’action publique, de l’acte même d’agir. Une réalité qui nous touche tous, et nous renvoie à des abîmes : "tout va mal", dit-on, mais que fait-on en échange ? »
Place de la liberté (Boulevard Foch) 57103 Thionville