Il est américain. A débuté dans la danse à New-York. Traversé l'Atlantique pour rejoindre l'école P.A.R.T.S. d'Anne Teresa De Keersmaeker. N'a plus cessé d'être applaudi en jeune prodige de compositions enlevées, à base de principes conceptuels ciselés. Notons au passage ses caractéristiques physiques, d'une jeunesse inaltérée, pouvant flatter on ne sait quelle attente jeuniste courante dans la danse.
Mais de Daniel Linehan jusqu'à ce jour, on ne connaît qu'un solo, mémorable, Not About Everything, remontant à plus de dix ans déjà (il le dansait pour la première fois en Europe, à l'invitation des Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis, en 2008). Que l'artiste revienne à ce format pour Body of Work excite aujourd'hui la curiosité. L'intention première en est simple. Après quinze années fulgurantes, le chorégraphe se retourne sur son parcours. Le matériau gestuel abonde, qu'on aurait pu envisager en mosaïque de morceaux choisis. Ce serait bien trop simple. Et sans doute pauvre.
Tout répertoire entrouvre sa porte sur une mémoire en éveil. En danse, une personne toute entière, dans un corps de traces et de trames, se construit par les dépôts du geste – ses projections, ses aboutissements, ses limites, ses blessures. Et tout ce que cela dit d'émotion, de culture et de politique. Sans doute n'est-il pas anodin que le dramaturge associé au processus de Body of Work soit également psychanalyste. Ni étonnant que Daniel Linehan envisage ce solo comme un tournant dans son parcours.
On lui a connu une corporéité dansante plutôt réservée, un rien mentale. À présent traversé de biographie, visitant un passé pour mieux s'actualiser, le geste dansé de Linehan – disons : son rapport au monde – pourrait s'autoriser un lâcher inédit.
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