Dans la « famille danse » de Montréal, je demande Danièle Desnoyers ! À l’instar de ses contemporains, Marie Chouinard et Paul-André Fortier – ce dernier déjà invité deux fois par Chaillot –, Danièle Desnoyers a marqué le renouveau de la danse canadienne de son empreinte. De ses débuts en 1986 avec Des héros désaffectés, où elle sondait l’expressivité du corps à travers un minimalisme gestuel, à Dévorer le ciel ou Sous la peau, la nuit, la chorégraphe du Carré des Lombes magnifie le mouvement à chaque fois. Avec Discordantia, elle entamait un cycle de création où elle plaçait le corps en dialogue avec des environnements sonores complexes, parfois dissonants. Chez Danièle Desnoyers, les frontières s’estompent : elle est passée maître dans l’art de mettre en scène le point de convergence entre la danse, les arts visuels et la musique.
Cette création réunit dix danseurs et une musicienne. La chorégraphe se focalise autour d’une double question : « Comment la danse permet-elle de se projeter dans la vie et comment la vie peut-elle se refléter dans un corps dansant ? » À ses yeux, la danse traverse puissamment les sens et agit telle une réponse au silence. Sur une musique électroacoustique de Nicolas Bernier, accompagnée sur scène par la harpiste Éveline Grégoire-Rousseau, Danièle Desnoyers déploie son langage chorégraphique entre rigueur et folie, tonicité et relâchement, ordre et chaos. Ambassadrice de ce pays de danse qu’est le Canada, proche également de la nouvelle génération de danseurs, Danièle Desnoyers avance en majesté. Cette première visite place du Trocadéro a les allures d’un sacre.
Philippe Noisette
À l’instar de plusieurs artistes contemporains qui transgressent avec assurance les barrières disciplinaires, la vision artistique de Danièle Desnoyers se distingue par l’art de mettre en scène le point de convergence de la danse, des arts visuels et de la musique. Le mouvement, ce langage avant les mots, occupe une place prédominante dans son écriture.
Ce métissage des formes qu’elle sonde avec une maîtrise certaine lui offre ainsi d’infinies potentialités qu’elle transpose et applique à sa connaissance profonde du corps en mouvement.
Pour cette nouvelle création, l’intention première de Danièle Desnoyers se focalise autour d’une seule question : « Comment la danse permet-elle de se projeter dans la vie et comment la vie peut-elle se refléter dans un corps dansant ? »
Car la danse traverse puissamment les sens. Elle agit telle une réponse au silence.
Comme la vie, la danse de Danièle Desnoyers s’organise dans un subtil va-et-vient entre l’ordre et le chaos. Reflet de la dualité du monde, elle oscille entre rigueur et folie, entre tonicité et relâchement, entre écriture raffinée et explosion d’énergie brute. Pulsion vitale qui pousse à dévorer l’espace. Écho des multiples tensions qui troublent notre époque et agitent nos contemporains.
La nouvelle oeuvre de la créatrice québécoise traduit cette dichotomie dans ses partitions chorégraphique et musicale. Dix danseurs sillonnent l’espace en quête d’un équilibre identitaire. Dix solitudes reliées les unes aux autres, enivrées par la hardiesse de déplacements fougueux, désorientées par les obstacles inattendus croisés sur le chemin.
Cinq hommes et cinq femmes qui, au fil des rencontres, brossent le tableau d’une microsociété où l’utopie flirte avec le réel.
Deux figures de la nouvelle scène musicale montréalaise les accompagnent. Engagée dans un puissant corps à corps avec sa harpe, la charismatique Éveline Rousseau égraine un chapelet de sonorités légères qui invitent à l’élévation, viennent réveiller nos mémoires auditives et affectives. Les clichés associés à cet instrument millénaire surgissent spontanément. La chorégraphe les récupère pour mieux les pervertir tandis que les compositions électroacoustiques du directeur musical Nicolas Bernier offrent un contrepoids aux atmosphères célestes créées par petites touches impressionnistes. Jeux de contrastes énergétiques et sémantiques, tensions entre pôles opposés, entre esthétiques hétéroclites, variations sur l’idée de la beauté.
L’espace et la lumière sont travaillés de concert avec Marc Parent, un collaborateur de longue date. La chorégraphe découpe l’espace scénique, puisant comme toujours son inspiration dans de multiples détails architecturaux de lieux fonctionnels qu’elle photographie régulièrement depuis une douzaine d’années. Le concepteur d’éclairage insuffle à ce découpage une sensibilité extrême qui témoigne de la dimension transdisciplinaire de leur démarche artistique commune.
Une oeuvre comme le point d’orgue d’un cycle de création qui pose un regard pluriel sur le monde. Celui de Danièle Desnoyers et celui de danseurs parmi les plus inspirants de la scène chorégraphique québécoise et canadienne.
De la musique aux chorégraphies surréalistes, envolées, décousues, sensuelles, épiques.. une énergie passionnante et un ensemble envoutant
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De la musique aux chorégraphies surréalistes, envolées, décousues, sensuelles, épiques.. une énergie passionnante et un ensemble envoutant
1, Place du Trocadéro 75016 Paris