Une rencontre inattendue, par-delà les siècles, celle de Denis Diderot (XVIIIe) avec un jeune homme d’aujourd’hui, éclairagiste de théâtre. Un dialogue se noue, la personnalité et les idées de Diderot se dévoilent. Conçue à partir de la correspondance de Diderot, cette courte pièce est une approche réjouissante de la pensée du philosophe des Lumières.
Les lettres de Diderot ont rarement été présentées sur scène alors que le philosophe y parle comme de vive voix une langue spontanée, riche et naturelle, pleine d’émotion et de lyrisme, ou au contraire empreinte de colère et de dureté. Diderot bagarre, bâti à partir de ces lettres, réunit le grand penseur ironique du XVIIIe siècle et un jeune homme d’aujourd’hui, éclairagiste de théâtre.
Adaptation de Régis de Martrin-Donos et Muriel Brot.
La principale difficulté était de donner à ces lettres une oralité, en faire du théâtre et surtout trouver des motivations, des objectifs, des situations, tout en respectant le fil de la pensée de Diderot. La progression dramatique du spectacle est prise en charge par un personnage de fiction, un technicien de théâtre d’aujourd’hui : l’Éclairagiste. Ce dernier questionne Diderot et le pousse dans ses retranchements. C’est donc aussi l’histoire d’une rencontre. Diderot face à un jeune homme du XXIe siècle. Je propose une déclinaison inédite de ce genre du dialogue philosophique cher à l’auteur du Neveu de Rameau.
Le parti pris de mise en scène est de réunir ces deux personnages que trois cents ans séparent dans un seul et même lieu, le lieu présent de la représentation : la scène du théâtre. Ainsi l’Éclairagiste viendra éclairer, au sens figuré comme au sens propre, le spectacle. En effet, l’objectif de la mise en scène est de donner à la « lumière » un rôle prépondérant, comme s’il s’agissait d’un personnage à part entière, qui s’affirmerait au fur et à mesure que le spectacle avance.
De plus, il y a dans ces lettres une couleur particulière, intimiste. En règle générale, Diderot ne s’adresse qu’à une personne à la fois, c’est pourquoi il me paraissait essentiel de rassembler le public autour de lui.
Aussi, j’ai choisi un dispositif en quadrifrontal pour que le spectateur se sente le plus proche possible des acteurs, qu’il participe par sa présence au spectacle, et qu’il soit, à l’instar de l’Éclairagiste, un témoin privilégié de Diderot et de sa pensée.
Pourquoi avoir choisi comme titre Diderot bagarre ? La liberté, Diderot l’a perdue pour de bon en 1749 lorsqu’il est emprisonné à Vincennes à la suite de la publication de sa Lettre sur les aveugles. Cet événement qui marquera à jamais sa vie est le point de départ du spectacle.
En effet, Diderot va devoir lutter pour ses idées et contre l’oppression religieuse, pour sa survie et contre l’ignorance, pour la diffusion des Lumières et contre l’obscurantisme. Toute sa vie, il n’a de cesse de se battre et de remettre en question aussi bien le fils, le frère, le mari, l’amant, le philosophe ou l’artiste qu’il est et qu’il représente.
La scénographie participe elle aussi à cette idée de « combat » puisque le décor est une estrade carrée couleur rouge vif, figurant un ring de boxe. Avec un pilier à chaque angle, des néons à la verticale, ainsi que deux petits tabourets qui viennent renforcer la symbolique du ring.
Régis de Martrin-Donos
75, boulevard du Montparnasse 75006 Paris