Didon, fondatrice et reine de Carthage, a juré qu’elle ne se remarierait plus. Énée, prince troyen en fuite, échoue alors sur une plage de Carthage. Le coeur troublé par le récit des exploits de l’aventurier et poussée par sa fidèle confidente, la reine succombe à ses sentiments et mêle son sort à celui d’Énée.
Peu après, des sorcières malveillantes prétextent le destin pour rappeler Énée à ses devoirs. L’indécis prépare son départ, puis recule. Mais Didon ne se laissera pas reprendre par un amour dont la confiance est à jamais perdue. Le choix est de taille puisque la perte d’Énée va conduire Didon à la sienne puis à celle de Carthage.
Le court opéra de Purcell contient des airs, choeurs et danses qui s’insèrent dans le canevas des dialogues d’une pièce de théâtre, ce qui en fait une oeuvre d’exception dans la tradition de la musique dramatique anglaise. Les sources incertaines laissent sa genèse en suspend. A-t-il créé Didon et Énée pour un pensionnat de jeunes filles nobles en 1689 ou pour la cour quelques années auparavant ?
Ce qui est incontestable, c’est la place prédominante accordée aux femmes qui règnent, intriguent, précipitent le destin tandis que l’homme lâche n’est que le pantin de forces manipulatrices.
Avec Camille Delaforge au clavecin.
" Une heure suffit pour vivre l’intensité d’une légende autour de laquelle Henry Purcell a composé son seul véritable opéra. Dans un souci d’efficacité, l’écriture dépouillée du livret resserre le drame et compresse les échanges. L’oeuvre nous embarque dans les flots d’une rencontre, d’un pacte d’amour, d’une fuite, du désespoir amoureux, de rebondissements houleux… tout y est savamment exploré, allant à l’essentiel, sans négligence.
Comment résister au plaisir de présenter une telle oeuvre au public ? Didon et Énée dépeint des émotions et des enjeux universels qui permettent de s’approprier le mythe et de l’inscrire dans une situation actuelle, proche du spectateur, le compositeur ne s’en était d’ailleurs pas privé à son époque.
L’intrigue peut aussi bien se tramer dans les sous sols d’un palais que dans les couloirs d’une université, se laisser mener par les dieux comme par une conspiratrice jalouse ; son essence réside dans l’impuissance d’une reine face au caprice des eaux. Tempête sans pitié capable d’apporter l’amour d’un homme sur son rivage pour venir le reprendre aussitôt " .
Alexandra Lacroix
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