Présentation
Urgence…
Comédie, drame, mythe…
Homme, femme…
Machine, fantastique, surnaturelle…
L’histoire, mise en scène…
Dom Juan de Molière est une comédie aux accents de drame lyrique. Une course désespérée d’un être pur en quête d’absolu dont la fin est connue d’avance, annoncée, inéluctable… Le parcours de tout être passionné face au vide que lui procure une vision trop éclairée du monde… Et la comédie glisse petit à petit vers le drame qui vire à la tragédie… Et le mythe est né… De nos jours ce serait un Road movie…
Dom Juan insatiable séducteur, accompagné de son fidèle serviteur, est en campagne après sa dernière conquête qu'il a décidé d'enlever... Son entreprise le fait échouer dans un petit village de pécheurs où les charmes de deux paysannes l'invitent à rester quelques temps... Mais les frères d'Elvire, son épouse délaissée, bien décidés à venger l'honneur de la famille l'obligent à prendre la fuite dans la forêt... Le ciel fatigué de ses écart de vie entrave sa course frénétique et l'incite au repentir... Dom Juan défie les avertissements du ciel et court à sa perte...
Le Dom Juan de Molière est écrit dans l’urgence. Tartuffe censuré, Molière se doit de réagir vite et bien pour assurer les recettes, donner de nouveaux textes et de nouveaux rôles à sa troupe…
Il choisit, étrangement une pièce populaire qui est donné depuis plusieurs années sur les scènes parisiennes avec succès. Un spectacle mêlant machineries, scènes de séduction, combats d’épées, scènes de bouffonneries et toute une partie mystique avec la statut « mouvante et parlante » du commandeur, les flammes de l’enfer…
Résultat sans doute de cette urgence la structure de « Dom Juan » s’avère être unique en son genre pour l’époque…
Une comédie en 5 actes, en prose, réunissant jusqu’à six lieux différents, avec plusieurs intrigues,… La seule unité respectée est le temps et même celle-ci semble être peu vraisemblable.
Ce sont tous ces éléments qui rendent la pièce de Molière si moderne. L’action est épurée. C’est une fuite en avant, une course effrénée, un parcours linéaire, une sorte de « Road Movie ».
Dom Juan cours vers sa fin inéluctable. Il croise tout au long de cette folle traversée des personnages, sortes d’ icônes, représentant les idées même que Dom Juan bafoue.
Dom Juan en devient lui-même une idée, un destin, une façon de penser, une psychologie que nous découvrons tout au long de la pièce, toujours plus complexe.
Et la comédie prend des accents de drame et glisse petit à petit vers la création du mythe. Dom Juan se transforme en martyr frappé par l’obscurantisme de son siècle.
L’œuvre progressivement change de visée : de critique sociale et politique, elle en vient inexorablement aux apostrophes définitives : le ciel existe-t-il ? Et si il existe, pourquoi reste-t-il si silencieux ? La punition engendre le mythe.
Dom Juan est l’intelligence qui se heurte aux croyances de ses contemporains. L’intelligence a desséché son cœur. Il court après la moindre émotions et s’y raccroche avec sincérité et désespoir. Il suit ses désirs avec rage et désinvolture et aucune valeur n’y résiste : famille, pouvoir, honneur, vertu, religions…
Dom Juan est l’histoire d’un être passionné. Un parcours initiatique. Le passage de la jeunesse à la maturité, jusqu'à la mort désirée. Le parcours de tout être désespéré face au vide que lui procure une vision trop éclairée du monde.
Une fatalité annoncée par Sganarelle dès la première scène du premier acte. Qu’il soit homme ou femme, peu importe, sa soif d’absolu est là, insatiable…
On ne peut parler de Dom Juan sans parler de l’aspect fantastique et du surnaturel qui parcours l’œuvre. Ces combats d’épées à la tombée de la nuit sous les lueurs d’une lune pâle. Cette statue qui bouge et qui parle. Ce spectre qui prend différents visages. Dom Juan dans les entrailles enflammées de la terre …tout cela contribue au mythe et à la magie de Dom Juan.
Nous voulons travailler sur cet aspect de l’œuvre de Molière en nous inspirant de la tradition des « machines » au théâtre et sur une ambiance sonore imprégnée par les accents de requiem de Mozart.
Tenter de restituer cette magie que l’on ressent à la lecture du texte et l’aspect quasi cinématographique de cette course poursuite endiablé. Essayer de restituer toute l’ambiance mystique et effrayante de la pièce.
Rêver et faire rêver.
Dom Juan n’est-il pas déjà suffisant à lui-même ? Le charger de signifiances autres, n’est-ce pas trahir sa simplicité ? C’est la pureté de son propos, sa trajectoire linéaire qui en font une histoire si redoutable d’efficacité.
Un mythe.
Mettre en scène n’est-ce pas tout simplement revenir au texte, aux mots dits, aux actions simples seules. Il faut se laver de tous a priori. Tâcher d’oublier toute idée reçu. Tenter humblement de s’étonner là où nous pensions nous reconnaître seulement.
Notre condition d’homme et de femme de ce siècle naissant sera-t-elle concernée par les questions, si neuves aujourd’hui encore, auxquelles nous soumet Molière ?
14 bis, rue Sainte Isaure 75018 Paris