Au bureau. Elle tape, il téléphone. Elle réserve, il annule. Elle annule. Il oublie, il signe, il oublie. Où est le Dossier Paradis ? Lui, c'est le patron. Elle l’assiste, le seconde, le secoue, le soutient. Et les dossiers tombent, toujours plus, toujours plus vite, toujours plus fort. Et l'argent rentre, toujours, toujours - pour quoi faire ? Il est fatigué, elle est fatiguée, il faut embaucher. Où est passé le dossier ?
La vie en entreprise - exaltante, tourbillonnante, drôle, terrifiante.
Catherine Richon a été pendant quinze ans la secrétaire d’un grand avocat d’affaires de la place parisienne. Elle a écrit Dossier Paradis au fil des années de travail avant de poser sa démission il y a quatre ans. Aujourd’hui, elle donne vie à ses mots et raconte à travers les corps de deux comédiens l’infini des tâches à accomplir, l’extrême valeur du temps qui passe, l’extase des dossiers faramineux, la symbiose étrange entre une assistante et son « boss ». Elle assure que tout est vrai dans sa pièce. Si elle n’exagère pas, alors la réalité dans ce genre de bureaux d’affaires est bien furieuse !
Dossier Paradis est tout à la fois une évocation très personnelle du duo patron/assistante, une ode aux secrétaires de tout acabit, un hommage aux travailleurs et travailleuses de bureau, une spéciale dédicace à un certain boss, un grand moment de décompression après une dure journée de labeur bureautique, une tragédie, une comédie, un OVNI, une fantaisie poético-businesso-drôlatique inclassable, irracontable, impitoyable.
J’ai écrit Dossier Paradis presque sans le faire exprès. J’en ai retrouvé récemment une toute première scène, écrite il y a longtemps, que j’avais titrée Félicitations sincères, condensé de l’échange verbal au cours duquel mon patron venait de m’annoncer à grand renfort de compliments une augmentation annuelle dérisoire. J’étais alors l’assistante personnelle d’un notaire associé à un grand cabinet d’avocats de la place parisienne et notre rythme de travail frôlait l’inhumain. Par la suite, j’ai réservé le même traitement à d’autres situations que je pouvais vivre au bureau, tout aussi teintées d’absurde, tout aussi vaines – parfois franchement comiques. Le peu de mots que comporte mon texte est le reflet d’une réalité : nous n’avions pas le temps d’échanger de plus longues phrases.
Une base autobiographique
Puis, sans que je m’en rende vraiment compte, mon texte a bifurqué vers le merveilleux, le lyrique, l’inquiétant. Je n’ai d’ailleurs pas été surprise quand les circonstances réelles ont fini par connaître une issue presqu’aussi violente que celle que j’avais imaginée dans Dossier Paradis.
Travaillant toujours pour ce même notaire, je m’interdisais naturellement toute exploitation de ma pièce. Je remaniais mon texte à l’occasion et je poursuivais en parallèle d’autres activités d’écriture, de jeu et de mise en scène.
Burnt-out
En 2012, au bord de l’épuisement, j’ai enfin pu quitter cet emploi pour me consacrer au théâtre ; j’ai offert Dossier Paradis à mon patron le jour de mon départ. Il n’a pas vraiment eu le temps de lire le texte, ce qui n’est aucunement surprenant. Mais il a d’emblée proposé son soutien à la création de la pièce, qu’il a maintenant pu voir montée – grand moment...
Post-dramatique, post-burnout, Dossier Paradis ne raconte pas une histoire. Elle raconte le tourbillon du travail, de l’argent, de l’excellence, de l’excellence pour l’argent, de l’argent par l’excellence, du travail pour le travail pour le travail.
Du réalisme à la poésie
C’est une expérience que je souhaite faire vivre aux spectateurs, un sentiment que je souhaite porter sur le plateau : l’infini des tâches à accomplir, l’extrême valeur du temps qui passe, l’extase des dossiers faramineux, la beauté de la bonne entente entre deux proches collaborateurs...
Si je me suis attachée à dépeindre une assistante intelligente et efficace et un boss aimable bien que sous pression - représentatifs de la réalité que j’ai connue – je n’ai pas voulu m’arrêter à une simple représentation du quotidien. L’environnement de travail est à peine suggéré et toute l’attention est portée sur l’osmose entre les deux personnages. Et surtout, j’ai laissé les corps dire tout ce que la vie ordinaire nous empêche habituellement d’exprimer.
C’est finalement en plongeant au cœur du texte, en retrouvant les motivations profondes qui avaient guidé l’écriture de chacune des petites pastilles qui le composent, que j’ai laissé la poésie et l’extraordinaire donner corps à Dossier Paradis. Avec du rire, des pleurs et quelques grincements de dents.
Catherine Richon
Un sujet actuel (comment le bureau devient le bourreau) proposé par un texte quasi musical et une mise en scène chorégraphique. Des acteurs excellents et un texte original. Des situations évoquées si réalistes dans un spectacle pourtant proche de l'onirisme. A voir.
Vu en mars... je suis content de voir que ça rejoue (à côté de chez moi en plus) j'y retourne avec mes collègues! C'est un spectacle étrange, unique. Il me reste le souvenir d'une grande claque dans la face. Les comédiens sont très bons...
Pour 1 Notes
Un sujet actuel (comment le bureau devient le bourreau) proposé par un texte quasi musical et une mise en scène chorégraphique. Des acteurs excellents et un texte original. Des situations évoquées si réalistes dans un spectacle pourtant proche de l'onirisme. A voir.
Vu en mars... je suis content de voir que ça rejoue (à côté de chez moi en plus) j'y retourne avec mes collègues! C'est un spectacle étrange, unique. Il me reste le souvenir d'une grande claque dans la face. Les comédiens sont très bons...
15, rue du Retrait 75020 Paris