« Une aire de jeux pour un groupe de dix danseurs, un endroit où les forces qui mènent au mouvement prennent leur libre cours, se confrontent et montent en puissance jusqu’à façonner un monde cohérent » : c’est ainsi que l’Israélien Emanuel Gat présente sa nouvelle création, Brilliant Corners. Un titre emprunté à Thelonious Monk et qui a valeur d’indice : Emanuel Gat est jazz comme Toni Morrison est jazz, comme Piet Mondrian est jazz.
Musicien autant que chorégraphe, attentif aux notes comme aux silences, il compose ici pour la première fois la musique de son spectacle. Avec ses danseurs, il a conçu un moment où les puissances de la mesure de la liberté coexistent et où “ des règles et mécanismes s’établissent pour immédiatement se confronter à leurs exceptions ”. En ombres portées et en brillants éclats, en retenue et en force, il lance une invitation à partager l’intensité de l’instant.
Avis à tous ceux qui aiment l’action : la pièce Brilliant Corners ne cherche pas à démontrer ou à établir quelque chose, pas plus qu’elle n’est à propos de quelque chose : elle est en elle-même quelque chose. D’entrée de jeu, un pacte est conclu avec le spectateur : ne cherchez pas à saisir ce qui se passe avec des mots, laissez-vous emporter pour entendre plus, voir plus, sentir plus.
Si le titre reprend le nom d’un album de Thelonious Monk, la musique est entièrement composée par Gat à partir de centaines de citations musicales tirées d’univers différents, qui s’enchâssent, se répondent et se confrontent. De Monk, Gat a retenu non le produit mais l’essence, se saisissant de ce titre, Brilliant Corners, où il a trouvé un écho de son propre projet : « Un bel exemple de ce que les mots deviennent quand on les utilise comme un matériau concret. On ne peut pas comprendre ce titre littéralement, et pourtant il génère un sens parfaitement clair. »
Au détour de ces corners, on retrouvera les éléments marquants du travail d’Emanuel Gat : l’empreinte lointaine d’une sensualité orientale, une confiance en la chorégraphie, en son autorité souveraine, et un goût de l’action qu’il résume en une phrase : « Le premier jour des répétions, je n’ai en tête qu’un très vague point de départ. Mais dès qu’on donne le signal du départ, on sait qu’il va se passer quelque chose. »
2, place du Châtelet 75004 Paris