A la suite des passants glissons-nous dans le couloir du métro parisien pour un moment d’évasion, et laissons-nous emporter dans un chassé-croisé doux-amer entre rêve et réalité. Un spectacle pour tous les publics, un voyage dans l’univers poétique, plein d’humour subtil de Raymond Queneau.
En deux actes symétriques, Raymond Queneau fait intervenir, dans la dispute de deux couples au bord de la séparation, les répliques cocasses des mendiants et des passants, dans un couloir de métro.
Dans le premier acte, la femme s’évade en rêve avec un passant, sous l’oeil goguenard d’une mendiante.
Dans le second acte, l’homme s’évade en rêve avec une passante, sous l’oeil goguenard d’un mendiant.
Quand retentit la sonnerie annonçant le dernier métro, les couples se reforment, laissant la passante et le passant conclure : "Qu’est-ce que vous voulez… je ne faisais que passer…"
Cette courte pièce semble à part dans l’oeuvre de Queneau. Elle est remarquable par sa poésie directement accessible. Son écriture évoque celle d’une partition musicale, à l’intérieur d’une structure mathématique : répétition, symétrie des échanges de personnages, nuances et variations dans les répliques.
Distribution en alternance.
A la fois plein de fraîcheur et toujours actuel, le texte de Queneau, sur un mode ludique, suscite la réflexion sur des thèmes universels et intimes. Riche d’un humour insolent et subtil, mais aussi d’une poésie qui dit les choses avec pudeur, cet "exercice de style" offre un large éventail de registres (du comique au dramatique).
En tant que metteur en scène, mon travail a été particulièrement inspiré par la rigueur de la structure et la précision du langage ; je m’y suis sentie libre - c’est peut-être un paradoxe ! - d’exprimer les désillusions de l’amour, la conscience de la fuite du temps, de notre passage sur terre, la difficulté de communiquer au quotidien, mais aussi la beauté et le plaisir du rêve, l’espoir de l’amour, la fraîcheur de l’enfance.
J’y ai trouvé, enfin, une manière d’évoquer les aspirations similaires des hommes et des femmes. Tout cela, dans l’amusement partagé de parler de ces choses parfois sombres, avec ironie, malice et légèreté.
Au coeur du texte :
Deux images, dans la poésie particulière à cette pièce, m’ont inspirée et séduite : le voilier trois-mâts en partance pour les Antilles, et le château au bout de sentier de sable fin, dans la rêverie des amants d’une heure.
Et si le métro, lieu où l’on rêve d’évasion, se confondait avec l’évasion elle-même ? C’est ainsi que le couloir, lieu présent dans les didascalies, est devenu quai. Quai de métro, quai du bord de la mer ; j’ai eu envie de poursuivre le jeu amorcé par Queneau, sur les lieux et sur le langage.
Ce double sens m’a paru riche. J’ai donc préféré, à un décor réaliste, une évocation du quai laissant libre cours à l’imagination du spectateur, par le biais des éclairages, de la bande-son, des costumes, chapeaux et accessoires. J’ai également fait le choix de mettre en valeur et d’approfondir la structure symétrique de cette pièce en deux actes :
- En ouvrant et en fermant la représentation par un "clin d’oeil" à Zazie dans le métro, et en créant des scènes jouées sans texte, avec d’autres "personnages-passants", sur les thèmes de la rencontre ou de son impossibilité, du "temps qu’il fait" et du "temps qui passe".
- En renforçant, sur le mode comique, le "jeu de miroir" : les deux femmes (Irène et Sabine) sont distribuées à la même comédienne, les deux maris (Joachim et Etienne) au même comédien. Même distribution en miroir pour la mendiante et la passante d’une part, pour le mendiant et le passant d’autre part.
A l’issue du voyage :
Je souhaiterais particulièrement faire partager aux spectateurs la richesse de la réflexion que nous propose la pièce avec humour, sur notre capacité à aimer, à être heureux, à rêver… mais aussi leur faire goûter un beau moment de plaisir. Embarquement immédiat pour ceux qui ont le ticket !
Sylvie Mandier
17 cité Joly 75011 Paris