Enzo Enzo aime que ses chansons aient les couleurs d’une belle vie. C’est une question de charme, d’émerveillement, de plaisir : elle aime l’instant où Audrey Hepburn s’émerveille d’être amoureuse dans My Fair Lady. Question de simplicité, d’évidence, d’élan… C’est aussi pour cela qu’elle a pris son temps avant de sortir Têtue : « Je ne veux pas me sentir étrangère à mon répertoire, dit-elle. Sur scène, je veux que mes chansons aient du fond, je veux pouvoir incarner les personnages que je chante. » Pour cela, il faut le temps que les chansons lui viennent et qu’elle les accepte, il faut qu’elle vive avec assez d’intensité pour que chaque mot et chaque note lui soient absolument légitimes.
Il y a quelques années, on avait peut-être catalogué trop vite Enzo Enzo comme chanteuse mélancolique. Depuis, elle est « née à la fantaisie », comme elle le dit elle-même, dans un beau spectacle en duo avec le pianiste Angelo Zurzolo mis en scène par Néry. Elle a aussi libéré quelques-uns des lutins et des anges qui sommeillaient dans sa mémoire avec deux disques pour enfants, Chansons d’une maman et Clap ! Elle a aussi été la Fée Bleue dans Pinocchio court toujours, l’opéra pour enfants de Romain Didier, elle a aussi chanté des deux côtés de la Méditerranée sa Cantate pour un cœur bleu aux côtés de Jean-Louis Trintignant et d’un chœur d’enfants français et marocain, elle a dit des contes de Kipling, elle a participé à des disques collectifs, elle a donné des cours de chant… Et elle a assez vécu de ruptures, de deuils et de brumes pour s’arracher au spleen : « Je sens le besoin autant que la possibilité d’être souriante, de laisser paraitre mon aspect malicieux. Je suis toujours réaliste mais j’ai envie d’aller vers le mieux – s’épanouir, porter, accueillir… »
Cinq ans après Paroli, voici donc un nouveau disque qui parle de la vie, de la vie vraie. Enzo Enzo chante la confiance qui renait quand une histoire s’achève, les éblouissements de l’amour béat, la liberté qui surgit quand les enfants sont enfin partis voler de leurs propres ailes, l’envie de vivre sans les illusions des spiritualités en toc ou de la chirurgie esthétique… Sujets profonds, parfois rudes, mais toujours éclairée de la même lueur de félicité et de courage – « La vie contraint à être heureuse », dit-elle avec un grand sourire. Son disque ressemble à ce sourire : généreux, intime, réaliste, poétique, vaillant, délicat.
Pour faire passer toute la chaleur qu’elle veut partager, Enzo Enzo a fait fait appel à deux arrangeurs-réalisateurs aussi inventifs que libres, Angelo Zurzolo et Mathias Duplessis, le complice fidèle et l’expérimentateur éclectique. Elle a réuni autour d’elle des auteurs et compositeurs attentifs à ses sentiments comme aux battements de pouls de l’humanité tout entière, Kent, Bertrand Pierre, Julien Clerc, Allain Leprest, Roé, Benoît Carré, Romain Didier… et même Victor Hugo. Et les deux chansons qu’elle s’est écrites (Les Acacias et A mardi) sont bouleversantes, notamment parce qu’elles sont la vie même. Et on comprend mieux ce qu’elle chante dans Têtue, l’autoportrait qui donne son titre à l’album : « Je n’en fais qu’à mon cœur ».
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