Mêler les fleurs, les rayures et les pois, le monde urbain moderne et les campagnes coréennes, le folklore et l’électro, le mouvement et la vidéo, les jeunes et les anciennes, et transformer le tout en un dance floor géant… Est-ce une potion magique de sorcière encore inconnue dans nos contrées ? Peut-être, et elle a le pouvoir de faire tourner les têtes et de réveiller les esprits.
Paris avait découvert l’année dernière la chorégraphe Eun-Me Ahn, alias “la Pina Bausch de Séoul”, avec l’épopée pop de la Princesse Bari. Elle revient cet été avec un spectacle pas moins dingue, fondé sur l’énergie inusable des grands-mères coréennes, qui rejoignent sur scène les jeunes danseurs de sa troupe. Un voyage dans le temps et le mouvement qui se transforme en transe collective.
Ah ! cette délicieuse tarte à la crème qu’est la confrontation « entre tradition et modernité »… Combien de créateurs se sont débattus pour trouver le moyen de décrire ce qui finalement est le lot de tout artiste : d’une part, connaître, comprendre, assimiler ce qu’ont fait les anciens, d’une autre, les oublier, les dépasser, pour espérer trouver quelque chose de nouveau. Vaste programme…
Les grands-mères : Chang-Nang Ahn, Soon-Gum Roe, Heun-Gim Yoon, Young-Rye Kim, Yong-Ja Joung, Ok-Keun Choi, So-Sun Lee, Samkw Lee, Hyo-Nam Jung
Le grand-père : Kwangil Choi
Vidéo : Tae-Seok Lee
« Eun-me Ahn a rassemblé une tribu de femmes âgées pour tenter un cocktail à première vue bien secoué avec ses danseurs. Et c'était une incroyable fiesta débordante de bonne humeur. » Rosita Boisseau, Télérama TT
Sur ce terrain, Eun-Me Ahn a trouvé pour sa part des voies nouvelles, inattendues et excitantes. Cela tient d’abord à son propre itinéraire, marqué aussi bien par l’apprentissage et l’exploration des traditions chamaniques que par de longues années passées à New York, ou encore par une amitié profonde avec la regrettée Pina Bausch (dont elle a été à plusieurs reprises l’invitée à Wuppertal). Coréenne et cosmopolite, figure de l’avant-garde mais aussi chorégraphe de la très officielle cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de football à Deagu en 2002 et présentée dans les plus grands festivals internationaux, elle sait cultiver les beautés du contraste, mélanger les pois, les rayures et les fleurs, jouer des couleurs les plus pop avant de basculer dans la plus solennelle austérité, jouer des plus subtiles nuances de l’androgynie ou miser
sur la lenteur pour mieux faire éclater les rythmes de la transe...
Formée à l’école de la rigueur, précise, exigeante et d’une discipline toute coréenne, Eun-Me Ahn est aussi une performeuse risque-tout, prête à toutes les pirateries. On l’a ainsi vue se jeter du haut d’une grue, puis, s’attaquer à un piano à coups de hache et de ciseaux en hommage à Nam June Paik, déchirer elle-même sa robe de fée confectionnée à l’aide de cravates blanches pour en distribuer les lambeaux au public tout en exécutant une danse de l’ours en peluche tirée d’un conte de fées. Ou s’ensevelir, en costume de clown, sous une pluie de ballons, enfermée derrière des barreaux en duo avec un poulet, ou encore déguisée en champignon… Mais on aurait tort de croire qu’il s’agit de provocation. Plutôt l’affirmation d’une curiosité et d’une liberté tenues par le travail et le style, et poussées dans leurs retranchements les moins attendus.
En octobre 2010, sans itinéraire prédéfini, portée par les rencontres et les routes des provinces de Chungcheong, Jeolla, Gyeongsang et Gangwon, Eun-Me Ahn a demandé à des femmes âgées, paysannes pour la plupart, de danser pour elle, de façon spontanée, sur les tubes de leur jeunesse. Certaines de ces “grands-mères” avaient 60 ans, d’autres 90.
« Elles avaient toutes l’air heureuses quand elles dansaient. Elles étaient heureuses d’être encore capables de danser, et heureuses que quelqu’un leur ait demandé de le faire. Leurs danses étaient si naturelles et si vivantes qu’elles ont entraîné dans leur mouvement les jeunes danseurs professionnels de ma troupe. Chacun de leurs gestes reflétait la rudesse de leurs conditions de vie.
Comme si on regardait un extrait d’un documentaire quiparlerait à la fois du passé et du sol. Les corps ridés de ces grands-mères étaient comme un livre où auraient été consignées des vies vécues depuis plus d’un siècle. Chacune de leurs danses composait une épopée, déployée sur un rythme harmonieux dans une brève fraction de temps. À chaque rencontre avec l’une d’elles, nous regardions l’histoire de la Corée moderne qui s’incarnait dans son corps, comme si leurs corps étaient un livre d’histoire de notre pays, bien plus concret qu’aucun autre récit de la tradition écrite ou orale. »
De ces rencontres, des images filmées dans les provinces, des réactions des danseurs de la troupe est né un spectacle tour à tour tendre et halluciné, qui mêle les énergies de tous pour finalement entraîner le public dans un tourbillon. Un hommage aux temps anciens autant qu’à la vitalité inaltérable du mouvement. Comme l’écrit encore Eun-Me Ahn : « Pour moi, le mouvement n’a pas seulement lieu à un moment donné, mais représente plutôt une sorte de fossile appelé à être actionné à un moment donné pour créer par ses différentes gestuelles tout un univers de souplesse où l’instant présent s’allonge à l’infini. »
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