Spectacle accessible uniquement aux plus de 16 ans.
Danse hip-hop
Nous ne pouvons pas soigner les douleurs du monde, nous avons décidé de les danser
Loin d’une certaine imagerie, entre carnaval et bossa nova, la compagnie Membros montre un autre Brésil, plus ancré dans une réalité faite de violence et d’espoir. Au départ de cette aventure singulière, il y a un duo, Taís Vieira, chorégraphe, et Paulo Azevedo, éducateur et docteur en sciences politiques. À Macaé, ville moyenne du Brésil détenant le triste record du nombre d’homicides, ils réunissent une dizaine de jeunes sans expérience de la danse. La formation entraîne la constitution d’une compagnie, Membros, au sein du CIEMH2, centre extrascolaire qui mêle hip hop, vidéo, DJing et philosophie. Membros est devenu le porte-étendard d’une création à vif, engagée et salutaire.
Febre fait partie d’un triptyque : après Raio X (2003) et en attendant Medo (2009), cette fièvre va nous saisir. De cette tension à la fois physique et mentale, les danseurs de Membros font un langage qui parle à tous, quel que soit le continent. Dans un décor sobre - un plateau blanc et un mur comme seuls éléments de scénographie - les interprètes s’interpellent, brutalité ordinaire d’une société de la peur : la gestuelle, qui oscille entre hip hop, pour l’aspect acrobatique, et contemporain, dit ces corps travaillés par l’angoisse et l’épuisement.
Mais la force des Membros, inouïe, n’est pas tant de dénoncer que de soigner. Avec la danse comme exutoire plutôt que les armes. Comme la fièvre qui finit par annoncer la guérison du malade. « Nous ne pouvons pas soigner les douleurs du monde, alors nous avons décidé de les danser » disent Taís Vieira, Paulo Azevedo et les Membros. Des paroles qui valent bien des slogans.
Philippe Noisette
Bande-son : Paulo Azevedo
Musique : Jean-Sébastien Bach, Chico Buarque, Faccai Central, Jorge Aragão, extraits de Funky
Imaginé par Taís Vieira et Paulo Azevedo, fondateurs de la compagnie Membros, Febre (Fièvre, en brésilien) est le deuxième volet d’une trilogie sur le thème de la violence. Après Raio X (Rayon X, 2003), plongée au coeur de l’univers carcéral, et avant Medo (La Peur, 2009), un travail pour des interprètes féminines, Febre se penche sur la nature symbolique de la violence. « Nous ne pouvons pas soigner les douleurs du monde, alors nous avons décidé de les danser », précisent les chorégraphes qui, depuis plus de dix ans, travaillent à une danse politique capable de proposer des alternatives aux dommages collatéraux dont ils ne veulent plus être les victimes.
Le plateau est nu, entièrement blanc, barré en son fond par un mur, élément récurrent des scénographies de Taís Vieira et Paulo Azevedo qui ont fondé la compagnie Membros en 1999 à Macaé (Brésil). Un mur pour dire « la brutalité de l’apartheid social qui règne aujourd’hui dans les villes », expliquent-ils.
Febre déroule sa problématique sur un mode symbolique : aujourd’hui, si la scène semble désertée, quasi hygiénique, elle n’a pas pourtant été totalement évacuée. D’ailleurs, la musique (collage mêlant classique et sonorités populaires brésiliennes), les lumières et la vidéo, vecteurs à part entière de la dramaturgie de Febre, sont là pour rappeler que les corps peuvent également subir d’autres types de chocs physiques, plus sourds. Des violences induites notamment par les rapports de forces sous-jacents qui structurent aujourd’hui nos sociétés. Rapports qui saisissent les interprètes de Membros, jeunes danseurs issus du Centre Intégré d’Etudes du Mouvement Hip Hop, par le muscle. Sur scène, leur danse brutale, convulsive, ne masque rien des dommages collatéraux dont ils sont les victimes révoltées. Pour autant, pas de fatalisme dans Febre : « Nous avons décidé de rompre avec l’idée que la violence est innée. Notre danse prouve qu’il existe d’autres voies », remarquent Taís Vieira et Paulo Azevedo.
Leur alternative ? Un hip hop qui garde les yeux grands ouverts sur le monde, perméable à d’autres formes de langages (contemporain, populaire, plastique…). Une danse en alerte qui s’envisage avant tout comme un dialogue entre des cultures. Un art politique qui se souvient que la fièvre est aussi une réponse de l’organisme à une infection dans le but de le guérir. Une ultime agitation avant le retour au bien-être.
1, Place du Trocadéro 75016 Paris