Lettre à elles
Une femme écrit à propos de femmes. Elles sont quatre, en prison. Quatre, entre quatre murs. Dehors, le fils, l'enfant. Celui qu'elles ont adopté pour réinventer une famille.Une autre famille qui ne ressemblerait à aucune. Pour se donner aussi une bonne raison dêtre ensemble, une vraie et belle raison.
"...On ne peut pas garder l'emballage de sa vie en entrant ici. Si tu veux avoir une chance de t'en sortir sans trop de cicatrices, déshabille-toi vraiment. Fous ton existence à poil sinon tu vas crever..." nous dit Julie.
Cest un peu cela lécriture de Catherine Lévy-Marié. Cest ce quil reste du théâtre quand on a enlevé le théâtre, non pas le théâtre qui donne corps aux idées mais le corps de la vie qui soffre aux idées... Parce qu'on cherche à comprendre, nous.
Qui sont-elles au juste ces femmes en souffrance ? ...
Où est le panneau de sortie, le vrai, pour elles, pour nous ?
Leur aveuglement nous renvoie à nos vies, leur enfermement à nos désirs.
Et dêtre du même coup un peu aussi le père et la mère de cet enfant, mais aussi, peut-être, l'enfant lui même ; celui qu'on étouffe chaque jour un peu pour l'adapter à notre monde. Alors comme nous, elles se débattent avec elles-mêmes. Leur passé leur colle à la peau. Comme une odeur. La peau s'écorche, l'âme est toujours là...
Comment effacer ce passé sans s'effacer soi-même ? Sans se nier sans se hair. Pas facile!... Et le jeu des confusions les perd, les égare. Entre pauvreté et médiocrité, elles ny voient que du feu. Même si Jeanne, qui na manqué de rien, leur rappelle quelle na pas eu lessentiel. Heureusement lenfant est là pour leur montrer à nouveau le chemin de lamour.
Mais le bonheur pourra-t-il saccomplir si la lucidité ne suit pas ?... Alors on recommence à avoir envie de se battre, pour elles, pour lui, pour tous ceux qui, aux lucarnes de leurs cellules, regardent le monde libre... et ce que nous en faisons...
Comment cette histoire est chargée de signes ? Par le biais de la scène, comment ces signes emporteront avec eux lempreinte du réel ( sans rien devoir au naturalisme ) pour pouvoir en définitive recréer une poétique du monde ?... Comment cette histoire devient signe elle-même, nous qui passons, sans nous arrêter, devant les murs ?...
Armel Veilhan
Metteur en scène
Décembre 1999
2, passage du Bureau 75011 Paris