De Venise, le Palazzetto Bru Zane - Centre de musique romantique française s’installe à Paris le temps d’un week-end pour présenter quelques-unes de ses plus belles redécouvertes. Quatre rendez-vous autour du piano romantique mettront tour à tour en lumière des figures célèbres (Berlioz, Chausson, Debussy, Liszt…) et d’autres aujourd’hui bien oubliées (Dubois, Hahn, Chaminade, Jaëll, Gouvy…).
Théodore Dubois : Quintette pour piano et cordes en fa majeur
Allegro – Canzonetta. Tranquillo – Adagio non troppo – Allegro con fuoco
Reynaldo Hahn : Quintette pour piano et cordes en fa dièse mineur
Molto agitato e con fuoco – Andante (non troppo lento) – Allegretto grazioso
Piano : David Violi
Quatuor à cordes : Quatuor Ardeo (violons Olivia Hugues, Carole Petitdemange, alto Lea Boesch, violoncelle Joëlle Martinez).
De manière originale, ce quintette est composé à l’origine avec une partie de hautbois qu’il est possible de remplacer par un second violon ou une clarinette. Dubois le dédia à Diémer, Lefort, Gillet, Laforge et Loëb, professeurs au Conservatoire, qui en assurèrent la création le 15 janvier 1905 dans le cadre des concerts Lefort, rue d’Athènes.
Dans Le Ménestrel, Jules Jemain loua l’oeuvre en ces termes : « Cette récente composition de l’éminent directeur du Conservatoire, qui a été unanimement acclamée par un public enthousiaste, se distingue par les qualités de clarté, de pureté de forme, d’harmonieuses proportions, de sincérité qui sont les caractéristiques du talent de M. Théodore Dubois. Un Allegro en fa, plein de chaleur et d’entrain, précède une exquise Canzonetta dans laquelle le timbre du hautbois se marie agréablement aux instruments à cordes. L’Adagio en ré bémol se développe sur une phrase noble et expressive soutenue par des harmonies enveloppantes et conçue dans une sonorité fluide et transparente qui a produit un très grand effet. Le finale con fuoco, au rythme énergique et persistant, ramène habilement les principaux thèmes de l’oeuvre et termine avec beaucoup d’éclat cette composition forte et vigoureuse, qui mérite de prendre place parmi les meilleures des productions modernes de l’école française. »
Tandis que de nombreux musiciens traitent le quintette comme un orchestre miniature, Dubois privilégie l’élégance, une clarté pastorale et un lyrisme délicat. Il introduit toutefois quelques accents plus vigoureux dans le premier mouvement et dans le finale, qui apporte une conclusion incisive. Jamais le piano ne se fait concertant de manière envahissante.
Composé en 1921, ce Quintette fut l’oeuvre de chambre de Reynaldo Hahn la plus jouée de son vivant, avec sa Sonate pour violon. On comprend cet engouement : dans une partition aussi solidement architecturée que séduisante, le compositeur déploie son sens mélodique naturel et équilibre les instruments à la perfection.
Avec une certaine insouciance, Hahn poursuit l’esprit de la Belle Époque, sans tenir compte des nouvelles esthétiques prônées par ses plus jeunes collègues. On ne peut s’empêcher de remarquer la proximité de ce Quintette avec l’univers sonore de Fauré – auteur lui aussi de deux partitions dans ce genre en 1906 et 1921 : même enchantement mélodique, même subtilité des modulations, même fluidité des textures. Fondé sur un thème ascensionnel marquant, le très vigoureux Molto agitato e con fuoco possède un véritable souffle (on pense à l’Allegro molto moderato du Quatuor avec piano n° 1 de Fauré). L’Andante est tout en lyrisme et en rêverie, non sans une certaine douleur contenue. À son propos, le critique Claude Rostand écrit avec enthousiasme : « C’est là, de toute la production de Reynaldo Hahn, la page que je choisirais s’il fallait qu’il n’en restât qu’une. » Enfin, l’Allegretto grazioso se distingue par son élégance teintée d’humour. On y entend reparaître le thème ascensionnel du premier mouvement, transformé en une plaisante ritournelle.
Preuve que derrière ses dehors charmeurs, la partition nourrit de vraies ambitions formelles. Sa création eut lieu en novembre 1922, salle Gaveau, avec Marguerite Vaudilliers au piano et le quatuor Poulet.
L’origine de cette formation associant un piano et un quatuor à cordes est similaire à celle du quatuor avec piano : née des divertimenti classiques, elle est souvent utilisée lors de transcriptions de concertos pour clavier. Si les douze Quintettes op. 56 et 57 de Boccherini (1797 et 1799) sont des partitions originales, c’est l’opus 44 de Schumann (1842) qui donne véritablement au genre ses lettres de noblesse.
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la France privilégie plutôt le quintette pour piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse (adopté par Schubert pour La Truite), formation qui inspire à Louise Farrenc et George Onslow des oeuvres de style concertant. En 1855, Saint-Saëns compose le premier grand quintette français pour piano et quatuor « traditionnel ». L’ampleur de ses dimensions et la richesse de son contrepoint (déjà présentes chez Schumann) seront caractéristiques des partitions de la seconde moitié du siècle (Brahms et Franck).
Par la suite, de nombreux musiciens français cultiveront les infinies possibilités de cette formation instrumentale : Castillon, Gouvy, Widor, Fauré, Schmitt, Pierné, Vierne ou encore Koechlin.
Si Ardeo – en latin : je brûle – est le nom de ce quatuor, c’est aussi la devise selon laquelle les quatre jeunes femmes abordent leur répertoire. Constitué en 2001 au sein du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, le Quatuor Ardeo est caractérisé par une parfaite entente artistique basée sur un travail sans relâche, un esprit d'harmonie et une grande complicité. Après avoir remporté plusieurs prix internationaux, le quatuor est amené à se produire sur les grandes scènes et dans de nombreux festivals en France et à l’étranger. En 2013, entre autres : Folle Journée de Nantes, Auditorium de l’Opéra Bastille, Printemps des Arts de Monte-Carlo, Kuhmo Chamber Music Festival en Finlande, Concertgebouw d’Amsterdam...
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