La presse lors de la création... (1936)
Le Canard Enchaîné. ... pour en r'venir à la pièce, moi j'trouve qu'alle est
d'première, la pièce, et comment qu'elle est flambée.
Fernand Trignol
L'Écho de Paris. M. Edouard Bourdet a réussi une comédie fort plaisante avec un
sujet déplaisant. Le milieu des mauvais garçons et des "affranchis" n'est pas
précisément un milieu avec lequel on souhaite passer une soirée... Les gens du monde
iront prendre des leçons d'argot et ceux qui savent cette langue imagée s'enchanteront
de l'entendre parler avec tant de naturel et de comique. M. Bourdet a écrit une comédie
tout court, sans prétendre à la comédie de murs, sans y introduire nulle
"intention" littéraire, nul romantisme de seconde zone.
Gérard Bauer
Marianne. Une comédie naît d'une tragédie dépassée par l'artiste. Il faut,
pour y atteindre, comprendre la tristesse et les dangers de la condition humaine ; il faut
aussi dominer cette tristesse par l'intelligence, et ces dangers par le courage.
André Maurois
Le Petit Parisien. On a ri sans arrêt, sans un ralentissement de l'intérêt.
Avoir à ce point le goût de la vie, le sens de la couleur, la connaissance des
murs, le don de l'architecture théâtrale... Félicitons-nous de la variété
d'inspiration d'un de nos plus éminents représentants de notre art dramatique.
Paul Reboux
Le jour. On use beaucoup d'argot dans Fric-Frac. Pour écrire cette comédie, M.
Bourdet dut approfondir la connaissance qu'il en avait et qui était celle que doit en
avoir tout homme bien élevé. L'y voici devenu docteur, et il le parle couramment comme
un étudiant qui a passé quelques semaines dans un pays étranger. L'argot est une chose
déconcertante, par la promptitude de son évolution... Heureusement que M. Bourdet sait
le rendre intelligible pour chacun. C'est bien ainsi qu'il faut l'écrire.
Pierre Lièvre
Le Matin. Ajoutons donc à l'actif de M. Bourdet une fantaisie dont le mouvement,
le pittoresque et le dialogue en langue verte réjouiront à coup sûr le public.
Jean Prudhomme
Notes de mise en scène
Dans son parler faubourien, FRIC-FRAC raconte l'atmosphère de la vie de 1936, celle
que l'on flaire dans la pègre de Belleville, la faune de Sébasto ou chez les marcheurs
de la rue Charbonnière. Un drôle de documentaire sur une effraction du Front Populaire
dans le milieu petit bourgeois.
Une pièce gaie sur fond noir.
On dit d'Edouard Bourdet qu'il est "un peintre impitoyable des murs
modernes", "un homme d'esprit qui connaît les ressources et les secrets du
dialogue" ; un homme "au courage indépendant". Sa pièce est une partition
forte, drôle et équilibrée. On ne doit s'appuyer que sur elle.
Mon travail a été d'aller à l'indispensable (12 personnages au lieu de 23), de faire la
distinction entre le documentaire témoin de son temps et un réalisme devenu,
aujourd'hui, image d'Épinal.
Je me suis inspirée des courants picturaux de l'époque, si divers, innovateurs, sublimes
réponses d'artiste aux temps menaçants, Matisse, Mondrian... Les accessoires, les
costumes et les chansons relatent la vie quotidienne de 36.
Ma mise en scène est l'organisation d'un monde où de petites tragédies intimes se
rencontrent, se heurtent, s'acoquinent et font naître le rire, dans un monde plus vaste où
la poésie et la couleur se font les échos de temps difficiles.
A propos de l'argot...
Sur l'origine du mot argot, les étymologistes ne sont pas d'accord.
L'explication qui semble la plus plausible est celle qui rattache argot à jargon,
terme appliqué dans les textes du treizième siècle au langage des bas-fonds. Dans
l'acceptation que nous lui donnons aujourd'hui, l'argot est le langage d'une personne qui
arrange les mots d'une façon bizarre, qui affecte des locutions ou des tours
extraordinaires.
Petit lexique de l'argot en littérature (cf. Les Sources de l'argot ancien - 1912)
XIII - XlVè siècle : Le Jeu de Saint-Nicolas de Jean Bodel.
XVè : François Villon écrit ses ballades en "jargon et jobelin".
XVI- XVIlè : La Vie généreuse des Mercelots, geuz et boémiens, contenans leur
façon de vivre, subtilitez et gergon par Pechon de Ruby (1596). Le Jargon de
l'Argot réformé par Ollivier Chereau (1628).
XIXè : Vidocq publie un Vocabulaire dont Balzac, Hugo et Sue s'inspirent pour
vulgariser l'argot parmi les lecteurs de romans.
XXè : En 1930, le Grand dictionnaire Larousse donne une classification des
argots distinguant en dehors du langage des malfaiteurs ceux de demi-monde, des
ateliers, des faubourgs, des collèges, des chiffonniers, de l'Ecole polytechnique, de
l'Ecole de Saint-Cyr, de l'Ecole Normale et... des théâtres.
(extraits de l'article de Robert de Beauplan cf La Petite Illustration n'425 du 12 juin 1937)
"Qu'on y consente ou non, l'argot a sa syntaxe et sa poésie. C'est toute une langue dans la langue, une sorte d'excroissance maladive, une greffe malsaine qui a produit une végétation, un parasite qui a ses racines dans le tronc gaulois... Formation profonde et bizarre, édifice bâti en commun par tous les misérables... Une foule d'âmes mauvaises, belles ou irritées... sont là presque entières, et en quelque sorte visibles encore, sous la forme d'un mot monstrueux."
Victor Hugo
L'argot est " ... un mot sur la langue des filous, des voleurs et des assassins, et que la littérature a, ces derniers temps, employé avec tant de succès."
Honoré de Balzac
"Aussi l'argot se renouvelle-t-il lorsqu'il devient, pour le profane, trop aisément intelligible. Dès qu'une duchesse, imitée par sa coterie, dit : "J'en ai marre !" tenez pour certain qu'à ses sources l'expression déjà rancit et que dans l'ombre s'élaborent d'autres mots, ceux par exemple, dont fourmille, la nouvelle comédie d'Edouard Bourdet, des mots bossus, corsés, avantagés de consonnes imprévues, desquels on ne peut nier qu'ils brillent d'une vive et discordante couleur."
Colette
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