Venus d'Algérie pour bâtir la France des Trente Glorieuses, leur vie leur a glissé entre les mains. Avec tendresse et pudeur, Nasser Djemaï donne la parole à un magnifique choeur d'hommes déracinés, les Chibanis. À partir de 11 ans.
Un lyrisme rare et un humour insoupçonné
La presse en parle
Entre les deux rives de la Méditerranée
Faire surgir la parole de ces invisibles
Parole à la fois théâtrale et poétique
À partir de 11 ans.
Martin Lorient, 27 ans, remonte les fils de son histoire, jusqu’à un père qu’il n’a pas connu. Ce récit initiatique des temps modernes débarque notre jeune héros dans un lieu retranché, aux oubliettes de notre monde pressé : un foyer Sonacotra. Autour d’une table en formica, cinq Chibanis, cinq cheveux blancs, jouent aux dominos… pour oublier que la vraie vie leur a glissé entre les mains : travailleurs immigrés, ils ont quitté leur pays, leur famille, pour bâtir la France des Trente Glorieuses.
Devenus inutiles, ils se voient confisquer leurs vieux jours ; retourner au pays, où les leurs ne les attendent parfois plus, c’est renoncer à leur pension. Ni d’ici, ni plus tout à fait de là-bas. Une colère sourde les traverse sans jamais altérer le regard sage et taquin qu’ils posent sur notre société déshumanisée.
Nourri de témoignages, le souffle du récit rattrape l’Histoire, très loin du théâtre documentaire. Ce choeur d’hommes, et la présence fantomatique des femmes, font oeuvre de mémoire avec un lyrisme rare et un humour insoupçonné. On en ressort éclairés et bouleversés.
« Pour moi, la nécessité de ce projet se trouve à un endroit très particulier : un endroit où je pourrais être un petit enfant assis sur les genoux d’un de ces vieux hommes qui me raconte des histoires, et qu’on puisse rire ensemble. Il faut respecter la pudeur, la fierté et la noblesse de ces ancêtres et aussi, avec délicatesse, brancher le détonateur et faire exploser des moments de vérité, avec toute la violence, la cruauté et la drôlerie qui s’imposent. » Nasser Djemaï
« On suit avec une intensité peu commune et une conscience douloureuse cette « Tragédie des Chibanis ». Tragédie du racisme, de la solitude, de l’absurdité des rapports sociaux dans nos villes, à nos portes. Quand le théâtre dit le monde mieux qu’un documentaire, c’est qu’il rime avec art. Bravo Nasser Djemaï. » P. Chevilley, Les Echos
« Le jeune auteur a réussi un pari trop rare dans le théâtre français : entrer dans le vif d’un sujet de société, appuyer là où ça fait mal et faire rire en même temps. » Le Monde
« De souvenirs entendus en paroles récoltées […] Nasser Djemaï a pu enrichir ces silhouettes jusqu’à en faire de vrais personnages de théâtre. Tous très charnellement présents. Et quels personnages ! » Télérama
« La réalisation d’Invisibles, qui constitue sans conteste un pas au-delà bénéfique dans notre univers dramaturgique, témoigne à l’envi de l’essence du talent de Nasser Djemaï. Un objet théâtral rigoureux […] où s’allient avec bonheur la justesse sociologique et un lyrisme pudique. » L’Humanité
« Avec leur jeu sensible, les cinq comédiens arabophones incarnent des hommes déracinés, tantôt faibles, tantôt grands. Chose rare et précieuse dans les oeuvres consacrées à l’immigration, ils le font sans misérabilisme. » Politis
« Nasser Djemaï signe une pièce d’une grande beauté, pudique et tendre, sur le fil entre témoignage et fiction. » Théâtral magazine
« Les «Invisibles» gagnent à être vus. » Libération
« Parfois on en croise un dans la rue et subitement on le voit. On le voit parce qu’il est arrêté avec une attention particulière, au milieu des passants pressés, il regarde. Concentré, immobile, silencieux, il regarde pendant des heures, le travail des grutiers, des manoeuvres qui s’agitent, casques sur la tête. Puis il s’éloigne à petits pas, il est vieux, il a mal à la jambe, on se demande où il va…
Parfois on en voit un autre dans un café. Il est seul. Il a une consommation devant lui mais il ne boit pas. Son corps, son allure, sa façon de se tenir très droit, d’être endimanché, raconte une histoire qu’on aimerait bien entendre. Mais il ne parle pas. Visiblement il n’attend personne. Aucune femme ne le rejoint, aucun camarade pour jouer aux dominos, aux cartes, ou boire un coup avec lui.
Qui sont‐ils ? Des travailleurs immigrés, écartelés entre les deux rives de la Méditerranée, qui ont vieilli ici, en France. Ils sont restés seuls, pour des raisons diverses. Ils ne sont pas rentrés au pays. La France est devenue leur pays, ils y ont apporté leurs rêves, mais ils sont devenus des fantômes. Ils ont asphalté les routes, construit les HLM, sorti des quantités de pièces détachées des chaînes et des machines‐outils. Ils n’ont pas ménagé leur peine, ils ont bien contribué à ces « trente glorieuses », ces années de reconstruction accélérée de l’économie.
Mais dans l’inconscient collectif ces travailleurs étrangers sont immortels, parce que continuellement interchangeables. Ils ne sont pas nés, ils ne sont pas élevés, ils ne vieillissent pas, ils ne se fatiguent pas, ils ne rêvent pas, ils ne meurent pas, ils ont une fonction unique : travailler.
Aujourd’hui la bataille économique s’est déplacée sur d’autres terrains. Jetés par dessus bord, en même temps que la classe ouvrière et la lutte qui allait avec. Leur pouvoir d’achat étant nul, ils sont devenus invisibles. Doublement reniés, en tant qu’ouvriers et en tant qu’immigrés, ils n’osent parler de leurs métiers avec fierté. Les fonderies, les chaînes, les mines, ils les ont pourtant nourries de leur vie. Dans la mythologie, le royaume d’Hadès (épithète signifiant « l’invisible »), celui qui arrivait à entrer dans le royaume des morts, pouvait observer, interroger les ancêtres, et revenir dans le monde des vivants, fort de cette sagesse, à une condition : celle de ne pas s’asseoir sur « la chaise d’oubli » »
Nasser Djemaï
« Tout le monde sait que ces hommes ont souffert, tout le monde connaît l’exploitation industrielle dont ils ont été victimes. Tout le monde a entendu parler, de près ou de loin, de cette génération qui a dû baisser la tête pour survivre, intériorisant ainsi la honte, l’humiliation et la haine.
Maintenant qu’est ce qu’on fait avec ça ? Comment rire et s’amuser de ça par exemple ? Comment briser ce cliché ?
J’ai vu mon père joyeux, ayant des fous rires pas possibles avec ses amis. Ils se charriaient les uns les autres et tous finissaient la soirée en parlant du bled, de la famille et de tous leurs projets futurs. Ils riaient car ils étaient conscients de leur décalage et de la dureté du monde dans lequel ils vivaient.
Mon père a mis quinze ans avant d’obtenir son code de la route et à cause de ça il ne pouvait pas passer le permis de conduire. C’était devenu le sujet principal de toutes les réunions et tout le monde allait de son avis pour expliquer cette malédiction. Certains même lui avaient proposé de lui ramener spécialement du bled un sorcier rien que pour lui pour le débarrasser du mauvais oeil et en finir avec ce code de la route (je pourrais en faire un film ! !). Mais le jour où il a enfin obtenu le permis de conduire, alors là ! Tout le monde a débarqué à la maison, mon père avait invité un groupe de musique, ma mère s’est mise à cuisiner pour tout un régiment et tous les invités ont remonté leurs manches et donné un coup de main pour que la fête soit la plus belle du momen
t. Et pour clôturer la soirée mon père a annoncé à tout le monde : « Demain on prend toutes les voitures et on va à la ville acheter du savon, du shampooing et du parfum, et après on va tous se baigner au lac… Et vous me laissez passer devant… »
Tout le monde ne connaît pas, les joies, les petits bonheurs du quotidien, les amitiés tissées au fil du temps, l’attachement viscéral à la terre d’accueil et toutes ces aventures humaines positives qui ont transformé et modelé ces hommes.
C’est dans ces paradoxes du quotidien et sans complaisance que la parole de ces invisibles doit surgir. Une parole audible. Sans concession, avec des corps, des visages, des voix, que nous n’avons pas l’habitude de voir, ni d’entendre.
Pour moi la nécessité de ce projet se trouve à un endroit très particulier : un endroit où je pourrais être un petit enfant assis sur les genoux d’un de ces Chibanis qui me raconte des histoires et qu’on puisse rire ensemble.
Dans cette proximité privilégiée, je veux garder ma place d’enfant assis sur ses genoux et respecter la pudeur, la fierté et la noblesse de ces ancêtres. C’est avec tout ce respect et cette délicatesse, qu’il faut brancher le détonateur et faire exploser des moments de vérité, avec toute la violence, la cruauté et la drôlerie qui vont avec. »
Nasser Djemaï
« Le thème est tellement immense qu’il pourrait engloutir tout le propos dans une série de clichés. Le danger serait de se retrouver avec une myriade de témoignages très beaux et très touchants, et c’est justement ce qu’il faut éviter. A
lors comment rendre cette parole à la fois théâtrale et poétique ? Comment dépasser le traitement cinématographique pourtant si puissant ? Enfin comment donner corps à ces invisibles de manière évidente et sans artifices ? D’abord il n’y a pas de leçon à donner, le spectateur est assez outillé pour voir, entendre et deviner les choses. Donc le travail sera surtout axé sur une mise en place de situations, dans un univers bien défini où le jeu des acteurs aura une importance centrale.
C’est dans cette configuration et dans un travail d’interactions très minutieux entre les interprètes que les situations offriront ces petites étincelles si précieuses au théâtre. Ce qui importe, c’est de voir vivre en direct ces chibanis, les voir se débrouiller avec leur quotidien, leurs petites habitudes, leurs manies, leurs phobies et tous ces réflexes conditionnés qui en disent tellement sur leur parcours. Ensuite et plus en profondeur, il y a des fantômes, des voix qui rôdent autour.
Qui sont ils ? Que veulent ils ? Peut-être des frères, des mères, des ancêtres, des amours, des ennemis… Toutes ces voix sont là et demandent à être écoutées. Elles veulent elles aussi raconter des histoires, chanter une berceuse, parler la langue des ancêtres, et rappeler qu’il existe un passé puissant qui conditionne le présent et dessine l’avenir…
Cette dimension céleste sera importante pour illustrer toute la verticalité, le lyrisme du propos. Elle contribuera à insuffler une forte dose de vertige qui viendra contredire le côté terre-à-terre, le pragmatisme des personnages et participera à l’épaisseur du récit. Dans ce va-‐et-‐vient et à la dialectique de ces deux dimensions, la mise en scène viendra trouversa place. »
Nasser Djemaï
une pièce magnifique, profonde, de très belles interprétations. Pleine d'humanité, de chaleur, de solitude, et de sensibilité.... on se sent loin et proche à la fois.
une pièce magnifique, profonde, de très belles interprétations. Pleine d'humanité, de chaleur, de solitude, et de sensibilité.... on se sent loin et proche à la fois.
Une pièce d'une intensité rare, toute empreinte de sensibilité, drôlerie malgré la tragédie de ces vies. Tout y est, les tiraillements, les petits bonheurs, les défaites, les trahisons. ces hommes sont beaux, droits et pleins d'humanité. La fin est splendide et la chair de poule assurée..... MERCI DE CE TRÈS BEAU MOMENT
Pour 2 Notes
une pièce magnifique, profonde, de très belles interprétations. Pleine d'humanité, de chaleur, de solitude, et de sensibilité.... on se sent loin et proche à la fois.
une pièce magnifique, profonde, de très belles interprétations. Pleine d'humanité, de chaleur, de solitude, et de sensibilité.... on se sent loin et proche à la fois.
Une pièce d'une intensité rare, toute empreinte de sensibilité, drôlerie malgré la tragédie de ces vies. Tout y est, les tiraillements, les petits bonheurs, les défaites, les trahisons. ces hommes sont beaux, droits et pleins d'humanité. La fin est splendide et la chair de poule assurée..... MERCI DE CE TRÈS BEAU MOMENT
103A, bd Auguste Blanqui 75013 Paris
Accès : par le mail au 103A, bvd Auguste Blanqui ou par la dalle piétonne face au 100, rue de la Glacière