Dans le Jonas de Berreby, le prophète malgré lui est un rabbin libéral, bien intégré à la petite société des notables de sa ville. Il se voit intimer l’ordre d’aller clamer dans la mégapole contre l’égoïsme, l’agressivité et les égarements de notre société. Il va alors se débattre entre son appel intérieur et son désir de sécurité. Par un savoureux marchandage, il tente de concilier les deux. En vain. Il ne voit alors de salut que dans la fuite.
Mais on n’échappe pas si aisément à sa conscience ou au doigt de Dieu. L’odyssée qu’il va vivre le mènera de la baleine-sous-marin au podium des triomphateurs, puis à un asile psychiatrique où il est enfermé « pour exercice illégal de la vérité ». Se retrouvant au désert comme le Jonas biblique, il acceptera enfin la mort du « singe qui dansait en lui ».
Une parabole riche de sens, ponctuée d’éclats de rire.
Mettre en scène Jonas, la belle et grande oeuvre d'Elie-Georges Berreby, est pour moi émouvant, comme m'émeut le souvenir de tous ceux qui, avec lui, ont rêvé d'une Algérie fraternelle.
Avant que le spectacle ne commence, on entendra dans le noir la citation biblique du début du livre du prophète Jonas (1/1 à 3).
Chacun des six tableaux a son caractère, il faut les définir avec précision. Le talent du décorateur et costumier Jean-Baptiste Manessier, la musique et les sons d'Olivier Raymond, les lumières de Pierre Peyronnet y aideront puissamment. Quant à l'écriture, elle est marquée, on l'a beaucoup dit, par l'humour particulier de Berreby.
Plus l'acteur sera sincère, vrai, plus cet humour transparaîtra. Mais cet" humour" deviendrait dangereux, s'il risquait de n'inviter le spectateur qu'à un simple divertissement de l'ordre d'une certaine conception par trop désinvolte de la Comédie ou de la Farce. L'on peut, à ce propos, se souvenir de Musset disant du Misanthrope "que lorsqu'on l'on vient d'en rire, on devrait en pleurer".
Qu’il nous soit permis d'évoquer l'enseignement d'Antoine Vitez, lequel dans ses cours comme dans ces spectacles montrait que Tragédie, Comédie, Farce sont de très proches parents d'une famille unie.
Maintenant si l'on compare la pièce d'Elie-Georges Berreby à un paysage, nous pensons douceur d'y vivre, gaieté, une brise légère transporte le son de musiques pimpantes, mais voici que le ciel se couvre, alors souffle le grand vent de l'Histoire, des orages se sont levés. Mais si les conflits qui n'en finissent pas de finir un beau jour s'arrêtaient, nous pourrions retrouver les luxuriants rivages.
Il me semble, mine de rien, qu'il y a tout cela dans Jonas. Notre projet c'est de vous le faire ressentir.
Pierre Vial de la Comédie Française
22 novembre 2004
55, rue de la Procession (Place Falguière) 75015 Paris