Le titre Badke inverse deux consonnes de la dabke arabe (« coup de pied » en français), cette danse folklorique du Levant pratiquée aux fêtes de famille et aux banquets de village, et, sous une forme plus académique à l’international. En la détricotant un pas à l’envers, un pas à l’endroit, avec dix performeurs palestiniens de toutes disciplines (danse classique, hip-hop, capoeira, cirque), Koen Augustijnen et Rosalba Torres Guerrero (les ballets C de la B, Gand) ; Hildegard DeVuyst (KVS, Bruxelles), avec la A.M. Qattan Foundation (Ramallah), décuplent sa force de joie et l’emportent au-delà de toute célébration ou protestation.
Badke distribue ses coups de pied et ses claques à l’enfermement et à la soumission, se dégage en bondissant des pesanteurs intérieures, et fait front face aux agressions extérieures – mise en joue, interpellations, humiliations–, qui tentent d’interrompre son flux vital, social, culturel. Badke est une manifestation dansée des fiertés palestiniennes, un témoin de la résilience d’un peuple. À travers les rythmes puissamment syncopés et les exhortations vibrantes de Naser El-Faris, Badke crie l’importance de la parade des corps contre leur dissimulation, dit le don de soi contre l’égoïsme, l’urgence de réafirmer le collectif, sa force d’entraînement, bras noués les uns aux autres dans une ligne tournoyante, lien insécable d’une société qui se recompose sans cesse malgré les cisailles mortifères.
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