Kroum, l'ectoplasme

du 2 au 12 décembre 2004
1H45

Kroum, l'ectoplasme

Un aéroport. Entre Kroum, une valise à la main. Il étreint la Mère. En quelques lignes, le ton est donné : acerbe, désabusé, ironique aussi, pour cacher derrière l'humour une profonde tendresse pour cette humanité vouée à l'inaccompli. De retour au pays, Kroum l'Ectoplasme, qui se rêve romancier mais n'a jamais écrit une ligne, retrouve tels quels sa mère, son quartier, sa tribu...

Prendre le risque de vivre
Une jeunesse échouée

Note du metteur en scène

Dans un coin de banlieue de Tel-Aviv ou d’ailleurs, vit un groupe de gens ni pires ni meilleurs que la grande majorité. Ils rêvent d’amour, de gloire et de beauté. Du bonheur tel qu’on le raconte au cinéma, mais ils se révèlent incapables de faire le premier pas pour tenter de l’atteindre. Car il faudrait alors rompre avec la famille, le groupe, le pays…

S’évader d’une grisaille en fin de compte rassurante. Prendre le risque de vivre enfin. À première vue il n’y a pas de quoi rire. Mais, chez Hanokh Levin, la force ravageuse de l’humour emporte tout. Kroum l’ectoplasme, ou le comique de l’échec.

Actuel directeur (avec Jean-Claude Berutti) du Centre dramatique national de Saint-Étienne et de son école, François Rancillac cherchait un texte pour le spectacle de sortie de ses élèves (promotion R) en mai 2003. C’est-à-dire avec un nombre suffisant de personnages d’une importance à peu près égale. Aux éditions Théâtrales, il tombe sur cette pièce, en tombe amoureux, la fait travailler, et la présente, avec succès, en différents lieux.

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Kroum : Maman, je n'ai pas réussi. Je n'ai trouvé ni la fortune ni le bonheur à l'étranger. Je n'ai pas avancé d'un pouce, je ne me suis pas amusé, pas marié, pas même fiancé. Je n'ai rencontré personne. Je n'ai rien acheté et je ne ramène rien. Dans ma valise, il n'y a que du linge sale et des affaires de toilette. Voilà, je t'ai tout dit et je te demande maintenant de me laisser tranquille.

En quelques lignes, le ton est donné : acerbe, désabusé, ironique aussi, pour cacher derrière l'humour une profonde tendresse pour cette humanité vouée à l'inaccompli. De retour au pays, Kroum l'Ectoplasme, qui se rêve romancier mais n'a jamais écrit une ligne, retrouve tels quels sa mère, son quartier, sa tribu : Tougati l'Affligé, indécrottable hypocondriaque fleur bleue ; Shkitt le Taciturne qui ne dit mot mais n'en pense pas moins ; Trouda la Bougeotte dont le cœur balance mais ne s'arrête pas ; Doupa la Godiche qui espère encore être enlevée par Bruce Willis ; Takhti le Joyau qui a tout pour lui mais part toujours perdant ; Tswitsa la Tourterelle qui fascine le monde entier excepté elle-même ; Dulcé et Félicia les parasites, qui noient dans la grande bouffe leur ennui conjugal, etc. etc.

Entre deux mariages (ratés) et deux enterrements (réussis), entre soap et tragédie, franches rigolades et grands fiascos, c'est toute une jeunesse échouée que croque à belles dents Hanokh Levin - formidable dramaturge israélien (1943-1999) qu'on découvre enfin (traductions aidant) de ce côté-ci de la Méditerranée (cf. Yacobi et Leidenthal, Marchands de caoutchouc) : un pari de taille !

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« Elle est à la fois archi-vivante, fantasque, cruelle avec énormément d’autodérision. Notre époque n’est plus vraiment celle des héros. On ne va pas hurler sur la place publique, ce serait indécent ! Les sentiments fougueux, la grandiloquence laissent la place à la pudeur, au sourire du désespoir, à un comique tendu. La pièce est drôle, elle est aussi chaleureuse, profondément émouvante. Les personnages s’illusionnent surtout pour ne pas affronter la réalité, adolescents attardés qui ne parviennent pas à aborder l’âge adulte. Ce qui ne pouvait pas ne pas toucher ces jeunes comédiens à peine sortis d’une école…

Avec ce spectacle, ils trouvent l’occasion d’entrer dans la vraie vie professionnelle. Avant tout l’occasion de débrider leur jeunesse, leur vitalité, leur gourmandise de jeu. Hanokh Levin était un auteur d’une extrême culture, et en même temps marqué par une tradition de cabaret yiddish et de music-hall : grotesque et ironie. Nous en jouons, principalement à travers les décors façon papier peint tout en fleurs monstrueuses, qui ont déteint sur les costumes. Comme si les personnages n’étaient jamais sortis de leur chambre d’enfant…

Déformés par des perruques, des gros ventres, ce sont des guignols affolés qui se vident de l’intérieur, et qui, avec des rires sauvages et une tendresse inemployée, racontent leur impuissance à vivre ».

François Rancillac

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Spectacle terminé depuis le dimanche 12 décembre 2004

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