L’autre et l'autre

le 7 janvier 2005
50 minutes

L’autre et l'autre

Création chorégraphique, plastique et vidéo, tout public à partir de 6 ans. La danse oscille entre manifestation d’énergie et retombée du corps. Ceux-ci alternent entre inertie et surprise d’un mouvement qui les manipule, les anime, les porte dans l’espace du plateau.

Tout public à partir de 6 ans.

Création chorégraphique, plastique et vidéo
L’écriture chorégraphique

Ce qu'image le corps

Sur le plateau, les corps, filmés par deux caméras, génèrent leur propre image simultanément vidéoprojetée sur des écrans plus petits que les corps et disposés au-devant de la scène. Ceux-ci sont mobiles et l’on assiste à la fabrication de dispositifs qui se succèdent, les écrans tantôt côte à côte et séparés par une ouverture centrale, tantôt disposés verticalement l’un sur l’autre, tantôt décalés.

En l’absence de tout opérateur de prise de vue, l’écriture chorégraphique décide des plans au gré de son évolution dans l’espace et structure l’image. Le corps présente ses angles de vue à l’objectif et se cadre lui-même.

L’ensemble des dispositifs modifie l’image du corps dansant, le découvre, le recompose, apporte à la vue, retire du voir, redonne du vu altéré, lui restituant sa fragilité d’image.

Boris Jacta et Anne Sultan composent avec leurs corps en volume et leurs représentations en surface une architecture de la représentation.

Par la compagnie Opus.

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La danse, elle, oscille entre manifestation d’énergie et retombée du corps : bougés, agis malgré eux, les corps alternent entre inertie et surprise d’un mouvement qui les manipule, les anime, les porte dans l’espace du plateau.
Se penser par accès de formes, elles-mêmes propulsées par l’énergie hors du corps, du dedans vers le dehors.

Créer-détruire l’image du corps, construire-défaire le geste, composer-décomposer les lignes, réfuter la continuité. Revenir, d’un état éprouvé, ailleurs et autrement.

Là se joue la rencontre entre deux écritures chorégraphiques, entre deux intimités du corps, toujours au bord de l’échange.

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L'intervention de la vidéo dans le procès chorégraphique - pratique récurrente dans le champ de l'art contemporain - suscite une question première : qui - des corps sur scène ou de leur image - mène la danse ? Où et comment ? Ici, la singularité de ce qui se joue entre les corps et leur image projetée sur les écrans tient à cette chose très simple - en apparence : c'est la pensée de la danse, le travail chorégraphique lui-même qui structurent l'image en direct.

Des corps dansants ont déjà été filmés et projetés en direct. Mais avec souvent l'intervention du regard de celui qui filme, oriente la prise de vue, crée des gros plans, fragmente les corps, énonce un discours parallèle à ce qui se produit sur scène.

Le choix des "Opus" se décline en quelques propositions. Ils ont souhaité soustraire en partie leurs corps à la pression des regards. Dans un jeu de cache-cache avec les écrans s’engage tout un travail où les bords de l’image créent la césure entre la présence physique des corps et la captation de leur image.

Deux caméras ont été plantées symétriquement à l’avant-scène où elles font office de caméras surveillance avec un cadrage et un angle de prise de vue prédéfinis par les chorégraphes pour une durée qu'il déterminent en fonction de chaque séquence. Un œil-caméra préalablement orienté mais fixe. Le dispositif de captation du mouvement conserve ainsi un point de vue inchangé le temps d'une séquence. Nul opérateur derrière les caméras. Ce qui opère alors c'est le déroulement de la chorégraphie, les corps qui - proposant des figures du déplacement - créeront l'image. Toute l'échelle des plans se décline avec les avancées vers la caméra et les retraits. Du plus loin quelqu'un s'approche, lui ou elle, crée une profondeur de champ dans l'illusion perspective de la surface jusqu'à construire un devant de scène dans l'image par son avancée jusqu'au gros plan. Esthétique des débuts du cinéma quand, depuis les lointains, un train arrivait en gare et s'approchait de la caméra fixe des Frères Lumière.

Ici les deux caméras délimitent deux champs de vision fixes investis par les danseurs comme une autre scène. Le cadre reçoit l'irruption des corps dans le champ et laisse voir ce qui se joue dans le hors-champ. Ni envers du décor, ni coulisse, le plateau à l'arrière des écrans révèle le travail des danseurs tel qu’il se conjugue à l’image.

Le spectateur - comme les danseurs - doit ainsi construire sa propre perception d'une double scène suivant la logique - et la surprise - de deux espaces de représentation simultanément produits mais inégalement révélés. Espace en trois dimensions du plateau, espace bidimensionnel de l'image.

On découvre une recherche de l'altérité dans ce double rapport à l'espace. Altérité de soi à soi par le dédoublement des corps, là où "je est un autre" dans l'impossible coïncidence du geste porté par le corps et de sa projection dans l'image. Altérité dans l'acte chorégraphique : corps sexués écrivant - chacun dans sa partition - ses intimes déclinaisons du masculin et du féminin. Mouvements qui s'échangent et se cherchent dans et hors l'image, loin de toute volonté d'unicité.

La simplicité du dispositif technique fait advenir une recherche où nous assistons à la genèse d'une image de la danse dans le temps où les corps sur scène la sécrètent, s'en jouent et inventent d'autres scènes aux frontières du volume et de la surface.

Josette Sultan

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Spectacle terminé depuis le vendredi 7 janvier 2005

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