C’est à la suite de l’interdiction de Ruy Blas que Victor Hugo écrit l’Épée en même temps que Torquemada : les deux pièces partagent d’ailleurs des motifs communs. Ce drame épique qui s’est d’abord intitulé Slagistri rappelle l’atmosphère médiévale des Burgraves. La revendication politique de la liberté contre la domination d’un souverain s’inscrit en droite ligne dans la lutte que mène le poète en exil contre le régime de Napoléon III et dans sa dénonciation du coup d’État de 1851. Le drame exprime moins les préoccupations sociales de Hugo, que son ardeur révolutionnaire contre un pouvoir inique et renvoie à son refus de revenir en France après l’amnistie de 1854 (« Quand la liberté rentrera, je rentrerai ! »). C’est aussi à ce titre qu’il trouve sa place dans le Théâtre en liberté. Les deux personnages qui incarnent la Délivrance, Slagistri et Torquemada, n’en recèlent pas moins une certaine ambiguïté. La pièce est mise en scène pour la première fois à l’Odéon en 1902. Dans un village dalmate, à l’époque de Charlemagne, le peuple est en liesse. Il attend la venue de Prêtre Pierre et de son fils Albos, protecteurs de leur prospérité : l’un par sa sagesse et sa justice, l’autre par sa puissance de guerrier. Ils attendent aussi le duc Othon, qui règne sur eux ; les jeunes filles se pressent, à qui séduira le vaillant chasseur. Mais un caveau sombre impose sa présence menaçante. L’aïeul d’Albos, Slagistri, y est reclus ; c’est un vieillard, presque un fauve, proscrit et banni, pour avoir été rebelle au roi. Les villageois se rappellent les raisons de sa révolte. Mais l’allégresse s’empare de tous quand Prêtre Pierre et son fils apparaissent et couvrent les paroles plus graves de Slagistri. Son apparition soudaine vient assombrir la jubilation générale : entre les trois hommes s’engage un affrontement humain et politique, qui a pour enjeu la liberté.
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