Un voyage sans temps et sans espace…
L’homme, seul au milieu de l’immensité de la nature, ballotté par l’éternelle girouette de la vie, se retrouve enlacé à ses semblables, chacun poursuivant son errance.
Les interprètes rêvent de la vie et vivent en rêvant les événements qui ont traversé leurs peurs, le noir intérieur, la folie, l’isolement. Leurs gestes, presque symboliques, vont à l’essentiel et reflètent les passions dans les contradictions des opposés : attraction et répulsion, peur et courage, célébration et indifférence, ego et nihilisme.
Une girouette donc : girouette de la vie en référence au temps cyclique rythmé par la naissance et la mort, ou girouette des états d’âme, qui un jour sont en harmonie et le lendemain se heurtent aux événements de la vie ou encore girouette des sentiments, entre amour, haine et indifférence… ou une éternelle girouette existentielle, de la fuite au retour, de l’exil à la nostalgie.
La scénographie en perpétuel changement crée des espaces nouveaux et inattendus, offrant un théâtre d’images savamment suspendu dans le noir et découpé par la lumière. Le son, construit tel un manteau cousu sur mesure pour les interprètes, vit et se laisse vivre par leurs passions. Il surgit des images et, tel un enchantement, il transforme les voix de la nature en musique ; il suit les rêves agités et irréels par un fil qui lie l’expression des danseurs à la scène et aux lumières, dans une synergie d’émotions et de communication intime.
Cette création veut raconter une petite histoire des « misères humaines » face à l’éternelle girouette de la vie où l’on peut entrevoir des échos du néoréalisme italien ou encore des contes d’Italo Calvino.
Par la Compagnie Blicke.
Après l’expérience de mon dernier projet, le solo « Io sono Je suis Ich bin », je veux approfondir et questionner de plus en plus le processus créateur qui lui a donné vie. La tentative de donner un ordre à la matière mise en jeu pendant la phase de création a représenté le fil conducteur du spectacle, qui a ouvert d’infinies possibilités de développement créatif. Le continuum d’évents chaotiques et presque aléatoires qui se sont succédés entre les sessions d’improvisation et d’inspiration artistique ont été distillés dans un parcours scénique qui a acquis au fur et à mesure des significations nouvelles et profondes.
Tout cela a été rendu possible en définissant un ordre hiérarchique des choses, des objets, des paroles, des pensées, des concepts, des sentiments, des sensations, des humeurs, des qualités… Du chaos à l’ordre... autrement dit d’un système complexe, ouvert à tout, à un autre système polarisé sur un objectif. Il faut considérer le chaos tel une grande structure instable et oscillante, qui contient et peut générer l’ordre, et non, comme dans l’acception commune du terme, un simple synonyme du désordre. Il s’agit d’un ordre bien plus complexe, qui englobe également le désordre et l’organisation.
Depuis les premières lueurs de la science, l’homme a toujours étudié le chaos trouvant des lois qui gèrent la nature sans jamais réussir à comprendre véritablement son sens, si vaste et insaisissable. La vie qui se crée de la matière inanimée semble être en contradiction avec les lois stipulant que l’univers tend à augmenter de plus en plus son désordre. Pourtant, la vie produit un autre ordre et une autre vie et s’oppose à la continue désagrégation de la matière vers l’uniformité du désordre et du chaos.
La vie essaye d’organiser le chaos, la matière, complice du temps qui écoule unilatéralement, de détruire tout ordre pour ramener le chaos par le biais du vieillissement, la consumation de tout : l’usure de l’univers, l’entropie, accroît toujours plus. La vie transforme le vieux en neuf par le mystère de la naissance.
Du Chaos à la Genèse…
Enrico Tedde
De la même manière que la chorégraphie Io sono Je suis Ich bin avait questionné la problématique du soi-même, en communicant au public de profondes valeurs existentielles, pour cette nouvelle création je souhaite poursuivre mon parcours chorégraphique et de recherche en élargissant la thématique du soi-même et de l’être à sa signification plus cachée et originelle de la création de ce soi-même et de cet être.
Le projet chorégraphique ne fera pas référence à l’individualité d’un danseur qui met en jeu soi-même, mais à l’énergie d’un groupe de danseurs qui vont représenter la complexité du devenir du chaos de l’inconscience à l’être conscient, de la folie à la raison/responsabilité de la matière inerte à la vie. Si dans le travail précédent j’avais fait appel à René Descartes et son intuition Cogito ergo sum et aux élucubrations hamlétiques de l’être ou ne pas être de Shakespeare, pour cette nouvelle création je compléterai la réflexion avec une ouverture aux suggestions de Erasme de Rotterdam dans L’éloge de la folie, de Sébastien Brant dans La nef des fous ou encore à la vision évolutive de Jacques Monod dans Le hasard et la nécessité.
La référence aux grands auteurs et philosophes sera visée à la mise en scène et transmission de leurs visions et idées plus qu’à une exposition académique ou scolaire.
Dans la lignée des productions de la Cie Blicke, qui encore dans sa dernière création Memoria a avancé les valeurs de l’école Jooss-Leeder, qui ont été par la suite élaborés et nous ont été transmis par Jean Cébron, Hans Züllig et Pina Bausch, dans cette prochaine recherche je souhaite développer le résultat de ce grand bagage d’expérience.
Rythme, dynamique, géométrie du mouvement, rapports, ordre, symétrie, chaos, progression, unisson, contrepoint, suspension et immobilité… Eukinétique et Choreutique, ingrédients essentiels et réussis dans nos pièces, constituent encore la base de ce travail et de la future recherche chorégraphique de la compagnie.
22, rue du Chevaleret 75013 Paris