La folie de Janus

du 10 au 22 mars 2009
1 heure de spectacle

La folie de Janus

Durant la guerre civile de 98 du Congo, Zatou quitte Brazzaville, se réfugie dans la forêt du Pool, puis dans un camp du HCR en RDC. Suite à l'appel de son gouvernement, il accoste en mai 99 avec ses congénères au Beach de Brazzaville. Il se remémore ses années en forêt et les exactions dont a été victime sa famille. Mais les rapatriés sont triés, certains sont conduits vers des destinations inconnues…

La mémoire d’un peuple
Le spectacle
Programme
L’Affaire des disparus du Beach

  • La mémoire d’un peuple

Durant la guerre civile de 98 du Congo, Zatou quitte Brazzaville, se réfugie dans la forêt du Pool, puis dans un camp du HCR en RDC. Suite à l'appel de son gouvernement, il accoste en mai 99 avec ses congénères au Beach de Brazzaville. Il se remémore ses années en forêt et les exactions dont a été victime sa famille. Mais les rapatriés sont triés, certains sont conduits vers des destinations inconnues…

Le texte est publié in Ecritures d'Afrique, Paris, Cultures France Editions, 2007.
Vidéo et programmation Olivier Heinry, Thomas Pachoud.

Les spectacles seront suivis de débats du mardi au vendredi et précédés d'un film les samedis.

“Mes fils ont été confondus aux rebelles
Dans ma fuite, j’ai rencontré les miettes de mon troisième fils
J’aimais bien faire des cadeaux à mes petits
Le dernier que j’ai offert à mon troisième, un bracelet en argent
Dans ma débandade j’ai vu un bras isolé
Un bras sans corps
Sur le poignet de ce bras, j’ai vu un bracelet
Sur ce bracelet, j’ai lu un nom
Et ce nom… Celui de mon troisième”

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  • Le spectacle

Depuis plusieurs spectacles, je m’interroge sur le statut de la parole du témoin au théâtre qui induit une langue et une adresse au public particulières que j’envisage directes et sans affect. L’acteur fait acte de témoignage pour toutes les paroles empêchées dans un rapport au public où toute théâtralité disparaît pour tendre à une véridicité immédiate, car si la parole n’est pas restituée ici et maintenant elle ne pourra pas trouver d’existence à proprement parler. Le théâtre devient le champ de sa légitimité. Le spectateur devient alors à son tour témoin, certes indirect, mais témoin au sens de passeur de mémoire. La Folie de Janus propose une contemporanéité quasi immédiate, sans que l’Histoire n’ait permis de dénouement possible. L’issue du procès de l’affaire, la nature du gouvernement en place, le traumatisme de la population, qui, pour une grande partie, choisit de se taire, font de ce texte un chant contre l’oblitération de la mémoire.

Le comédien Ludovic Louppé, seul en scène, porte la voix individualisée mais plurielle des disparus du Beach, comme une voix universelle, celle de la mémoire d’un peuple. Tour à tour homme puis femme (se transformant grâce à de très simples accessoires), il fait revivre les différents visages de la guerre. Il rend hommage à « tous ceux que la puissance du silence a englouti au fond de l’oubli », en leur restituant la parole.

Cette parole s’accompagne de l’utilisation de la vidéo, pensée comme un outil indispensable à la syntaxe générale du spectacle. Déclinaison du portrait en très gros plan du comédien, projetée en grand au-dessus de sa tête, elle devient un partenaire de jeu à part entière, tel un double avec qui il dialogue. Cette tête se fait l’écho de ses pensées les plus intimes et les plus monstrueuses. Elle est l’illustration de la “folie de Janus”, ce Dieu au double visage, pris entre le “bien” et le “mal”, le passé et le futur. La vidéo devient l’endroit du transfert, permettant de déplacer l’émotion et de la rapporter à cet autre qui est à la fois le personnage et déjà un sujet distancié. Telles des ponctuations dramatiques, des vidéos de paysages nous ramènent à la réalité géographique du propos.

Le comédien évolue à l’intérieur d’un espace double qui comprend à la fois l’espace de jeu et les spectateurs, plaçant ces derniers au coeur du dispositif pendant la seconde partie du spectacle, au moment de sa mort : le container dans lequel le personnage est placé étant suggéré par un cordon de sécurité qui dessine un rectangle autour des spectateurs. Seul élément de décor, l’écran de projection, flottant dans le vide au-dessus de la tête de l’acteur, semblable à une voile de bateau, suggère l’embarcadère où Zatou a accosté et la traversée qu’il a accomplie pour rentrer au pays. Elle est aussi la métaphore de sa traversée intérieure, du voyage dans ses souvenirs de la guerre et son exode.

Judith Depaule

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  • Programme

10 mars : Le viol, arme de guerre
Bolya, écrivain congolais, auteur de La Profanation des vagins (éd. Le Serpent à plumes)
Wassyla Tamzali, avocate, ex-directrice du droit des femmes à l'Unesco, auteur du rapport de l'ONU sur le viol comme arme de guerre

11 mars : L'affaire des disparus du Beach
Patrick Baudouin, avocat des parties civiles dans l'affaire du Beach, président d'honneur de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme
Olivier Bidounga, chargé de l’affaire des disparus du Beach à la Fédération des Congolais de la disapora.
Julien Bissila, metteur en scène, auteur de Crabe rouge
Benjamin Toungamani, président de la PCCI, Plate-forme congolaise contre la corruption et l'impunité
Benjamin Moutsila, président de la Fédération des Congolais de la diaspora

12 mars : Les conflits post-coloniaux
Jean-Pierre Dozon, anthropologue, directeur d'études à l'EHESS, auteur de L'Afrique à Dieu et à Diable (éd. Ellipses)
Gilles Manceron, vice président de la LDH, historien de la colonisation, rédacteur en chef de la revue Hommes et Libertés
Patrice Yengo, anthropologue à l'EHESS, auteur de La guerre civile au Congo 1993-2002 (éd. Karthala)

13 mars : Le traumatisme de guerre
Sibel Agrali , Directrice du centre de soins de l’association Primo Levi, soins et soutien aux personnes victimes de la torture et de la violence politique
Marie-Odile Godard, psychanalyste, auteur de Rêves et traumatismes ou la longue nuit des rescapés (éd. Érès)

14 mars : projection à 18h de Côte d'Ivoire, poudrière identitaire, un film de Benoît Fcheuer
Isabelle Gourmelon, Chargée de mission de la FIDH
Florent Geel, responsable adjoint du Bureau Afrique de la FIDH

17 mars : Témoigner de la guerre
Henrik Lindell, journaliste à Témoignage Chrétien
Jean-Pierre Tuquoi, journaliste au Monde

18 mars : Les enfants soldats
Florent Geel, responsable adjoint du Bureau Afrique de la FIDH
Jean-Etienne de Linares, secrétaire général de l'ACAT, Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture
Amisi Mugo, artiste, ex-enfant soldat en RDC
Yaoundé Mulamba, artiste, ex-enfant soldat en RDC
Lionel Quille, responsable de la commission "enfants" d'Amnesty International

19 mars : Autres guerres, autres témoins
Souâd Belhaddad, écrivain, coauteur de SurVivantes, Rwanda- Histoire d’un génocide (éd. de L'Aube)
Catherine Choquet, Ligue des Droits de l'Homme

20 mars : L'influence de la guerre chez les artistes congolais
Alain Brossat, professeur de philosophie à l'Université Paris VIII-Saint-Denis
Boris Ganga Bouetoumoussa, chorégraphe
Zu Lukaya, conteur et auteur
Dieudonné Niangouna, auteur et metteur en scène (en vidéo extrait des Inepties Volantes)
Marie-Agnès Sevestre, directrice du festival des Francophonies en Limousin

21 mars projection à 19h de Contes cruels de la guerre un film d'Ibéa Atondi et de Karim Miské.

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  • L’Affaire des disparus du Beach

La folie de Janus est dédiée à tous les “disparus du Beach de Brazzaville”. L’affaire des disparus du Beach fait suite à une crise politique aiguë et à une succession de guerres civiles et fratricides au Congo. La première guerre éclate en 1993 et oppose le président de la république Pascal Lissouba au maire de Brazzaville, Bernard Koleas. De juin à octobre 1997, la seconde guerre affronte les partisans de Denis Sassou Nguesso à ceux de Pascal Lissouba, entraînant le massacre de milliers de civils. Trois milices contrôlent la capitale, Brazzaville : au Sud les Ninjas (milice de Koleas), au centre les Cocoyes (milice de Lissouba), au Nord les Cobras (milice de Sassou Nguesso) dotant le conflit d’un caractère ethnique. Sassou Nguesso évince Lissouba et s’impose à la tête du pays.

En 1998, le nouveau pouvoir lance de violentes offensives militaires en direction des régions Sud du Congo et des quartiers Sud de Brazzaville où vivent les populations originaires du Sud, opérant un véritable « nettoyage » qui entraîne la fuite de centaines de milliers de personnes vers la forêt du Pool et vers la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre). Courant 1999, dans un souci de réconciliation et de normalisation, le Président lance des appels au retour aux réfugiés. Un accord tripartite est signé entre le Congo Brazzaville, la RDC et le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), garantissant la sécurité des rapatriés sous forme d’un couloir humanitaire. Les déplacés rentrent par bateau depuis Kinshasa et accostent au port fluvial de Brazzaville, baptisé « Beach ». À leur arrivée, ils sont séparés en différents groupes : les hommes jeunes, notamment, sont arrêtés par des éléments de la garde présidentielle, emmenés dans des lieux tenus secrets, où ils sont torturés, mutilés et pour certains exécutés. Plus de 350 sont portés disparus.

Le procès organisé par la justice congolaise durant l’été 2005 a abouti à la reconnaissance sans auteur des disparitions forcées courant 1999, se limitant à condamner l’Etat congolais à dédommager les ayants droit des disparus. L’instruction pour “crimes contre l’humanité” ouverte à Meaux, à l’initiative de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et de l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH) a été suspendue pour “conflit de compétence entre la France et la République du Congo”. La Cour de cassation a confirmé le 10 janvier 2007 que “la justice française était compétente pour poursuivre et réprimer les auteurs des crimes de tortures qui ont conduit au massacre de plus de 350 personnes au Beach de Brazzaville en avril et mai 1999.” Elle a par ailleurs donné son feu vert le 9 avril 2008 pour que l’instruction se poursuive devant les juridictions françaises...

Fédération internationale des Droits de l'Homme

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Spectacle terminé depuis le dimanche 22 mars 2009

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