La guerre ravage l’Europe. Des sentiments, il ne reste que des cendres. Il n’y a plus d’espoir ni dans la révolution ni dans l’amour, et les lendemains disparaissent sous des nuages sombres. Tout cela on le comprend peu à peu lorsque les trois femmes et les trois hommes présents sur scène livrent souvenirs et confessions, par bribes, comme des flash-back lancinants.
Dans cette salle de bal encombrée de décombres, ils parlent et ils dansent. Ils valsent sur des symphonies aux accents nostalgiques, sur de vieux airs de jazz et des ritournelles obsédantes. Mus par l’énergie du désespoir, ils dansent, comme si c’était l’unique chose dont ils étaient capables. La danse devient un geste de résistance, dérisoire et obstiné. Ce ballet tragique est aussi traversé par la légèreté et la drôlerie. Habitués à pousser le théâtre dans ses retranchements, Christos Passalis, Angeliki Papoulia et Giorgos Valaïs signent avec Late Night (en français : « Veillée » ou « Nocturne ») une oeuvre poétique, et peut‑etre leur spectacle le plus intime. Ces artistes ont le désir brûlant de dire le monde qui les entoure, la réalité sociale qui est la leur en Grèce où ils vivent. Cette société asphyxiée par le chômage, la précarité, la peur n’est pas loin d’être la nôtre.
On peut ainsi voir Late Night comme une méditation sensible sur les effets du capitalisme sur nos vies : démolition des repères, sentiment d’impuissance face au désastre et épuisement de l’espoir. Pour le Blitz Theatre Group, l’une des fonctions du théâtre est de soulever de nouvelles questions, de celles qui appellent des réponses pressantes. « Quand tout est perdu que faisons-nous pour nous sentir encore vivants ? » : c’est un peu la question que pose Late Night.
63, rue Victor Hugo 93100 Montreuil