« On produit beaucoup de gestes, de tentatives - ce que nous, danseurs, nommons improvisations. Et chaque pièce laisse derrière elle son cortège de danses non choisies, non retenues, perdues… Cependant ces reliefs appartiennent au travail même : j’ai le sentiment qu’ils le façonnent, au même titre, bien qu’invisibles, que tous les gestes retenus pour incarner la pièce. C’est plonger dans le journal de vie d’une pièce que de se retourner vers cela. »
Plonger, dit-elle. Elle, c’est Emmanuelle Huynh, qui, en tant qu’interprète et chorégraphe fut l’une des fortes individualités responsables du profond renouvellement de la danse contemporaine survenu au milieu des années 1990. Plonger dans le tas d’archives constituées, sous forme de vidéo-cassettes précisément datées, depuis Mua (1995), solo emblématique. Plonger afin « de faire résonner ce que les danses ont vu hier et qui aujourd’hui figure ou défigure le monde avec intensité ».
Dans ce plongeon révélateur (au sens photographique du terme), Emmanuelle Huynh, coutumière des expériences croisant diférentes pratiques artistiques, embarque le musicien Pierre Jodlowski et l’écrivain François Bon - tous trois, en prise directe sur la matière, œuvrant de concert à extraire du vivant de tout ce corpus résiduel. Dénué de tout épanchement nostalgique, Le Grand Dehors ne se borne pas à reproduire des mo(uve)ments, au risque de les figer, mais procède d’un puissant élan (ré)générateur : cette pièce conçue pour plusieurs interprètes, relie le passé au présent, et l’intimité à l’actualité, en une palpitante réflexion sur le travail de la mémoire - autant que sur la mémoire du travail.
Chorégraphie et conception : Emmanuelle Huynh
Environnement sonore multicanal, programmation informatique et jeu en direct : Pierre Jodlowski
Atelier d’écriture, textes : François Bon
Réalisation informatique musicale Ircam : Romain Kronenberg
Dispositif d’interaction gestuelle : Emmanuel Fléty
Place Georges Pompidou 75004 Paris