Résumé
L'histoire
Intentions de mise en scène
Le rugissement de la
libellule
Une terrasse et un intérieur que l’on devine derrière des stores de bois. Célimène, jeune veuve spirituelle, attire quotidiennement chez elle une foule de gens riches et désœuvrés aimant à rire des travers d’autrui. Passionnément amoureux d’elle, Alceste est écœuré par ce climat hypocrite.
L’action se passe dans une maison bourgeoise isolée, quelque part sur la côte d’Azur. Nous sommes chez Célimène, jeune veuve fortunée. Lorsque le rideau se lève, l’après-midi touche à sa fin. L’un après l’autre, des familiers de Célimène viennent lui rendre visite, une réception s’organise qui se prolongera jusqu’à la fin de l’acte V, la nuit est alors déjà avancée.
La société qui gravite autour de Célimène respire l’atmosphère de villégiature mais non de vacances. Tout le microcosme parisien s’est déplacé, les rapports au pouvoir sont donc inchangés. La critique et les intrigues amoureuses sont les seuls moteurs d’une société où l’ennui règne en maître. L’inactivité vicie les rapport sociaux.
Veuve très jeune, Célimène a su profiter des conseils avisés d’Arsinoë, de quelques années son aînée, pour mettre à profit sa fortune, sa séduction et son esprit brillant. Arsinoë lui a enseigné comment une femme seule pouvait s’élever dans la société en s’insinuant dans les rouages du grand monde. Lorsque le rideau se lève, Célimène est à la mode, elle est rompue à l’intrigue et n’estime plus nécessaire de s’en remettre à une quelconque initiatrice. Arsinoë n’aura de cesse que de lui prouver sa présomption.
Célimène est la maîtresse d’un homme très influent, Oronte. Il est sûr de son crédit auprès d’elle mais voudrait se débarrasser d’un rival qui lui est inférieur socialement et qu’il méprise : Alceste. Il vient chez Célimène en ce jour à seule fin de le provoquer. D’une joute musicale, les choses s’enveniment rapidement jusqu’au procès.
De même qu’Oronte, les deux marquis sont dangereux, car très influents. Célimène a su s’attirer les bonnes grâces de ces deux arrivistes. Acaste et Clitandre ont l’insolence de ceux qui sont assurés de leur parfaite impunité et s’entendent pour jouir et combattre l’ennui qui les mine. En perpétuel jeu, ils guettent les occasions, cyniques, de faire évoluer leur rivalité. La jeune veuve s’avère bientôt leur nouvel enjeu. Tous les risques de cette partie sont pour Célimène qui croit pourtant les manipuler.
Etranger à toutes ces intrigues, Alceste est passionnément amoureux de Célimène. Lorsque la pièce commence, il est profondément déçu par son meilleur ami, Philinte. Il vient chez Célimène afin d’être réconforté mais est d’emblée provoqué par Oronte. Il devient alors vital pour lui d’arracher celle qu’il aime au monde stagnant et hypocrite où elle se complait. Il est décidé à faire voler en éclat les conventions et mettre au jour leur vacuité. Il est seul face à un système qui le dépasse et se heurte à une Célimène incapable de renoncer aussi bien à son ambition qu’à son amour pour lui.
Philinte et Eliante, la cousine de Célimène, évaluent l’inégalité des rapports de force et tentent de tempérer par leur humour et leur recul, cependant qu’ils sont eux-même taraudés par leurs passions respectives, Eliante pour Alceste et Philinte pour Eliante.
La domestique de Célimène, Basque, promène sur ce petit monde un œil ironique, dérangeant pour la plupart des personnages. Elle va et vient silencieusement, fait entrer et sortir les convives, surprend les conversations et est à même d’intriguer… Pour Célimène ?
L'espace. L’essentiel de l’action se passe sur la terrasse de Célimène. Des stores en bois délimitent un espace en fond de scène. C’est l’intérieur de la maison. La fête se déroule dans ces deux espaces. C’est en vain qu’Alceste recherche l’intimité avec Célimène : lorsque les convives ne sont pas sur la terrasse, leurs silhouettes restent omniprésentes, ombres qui se détachent derrière les stores abaissés.
La musique, le plus souvent interprétée par les comédiens, joue un rôle prépondérant dans la mise en scène. Elle est toujours un élément ironique qui appuie le décalage entre les situations verbales et les véritables enjeux. Elle fait ressortir le climat du Misanthrope, à la fois drôle dans l’excès, et d’une profonde mélancolie ; à l’image de la chanson de Vladimir Vissotski qu’Alceste, ivre, chante après avoir pris connaissance du billet remis par Arsinoë : on commence par rire de la démesure, puis on est gagné par un sentiment beaucoup plus doux-amère.
Le jeu des marquis est très physique. Ils rivalisent aussi bien sur le plan de la danse que sur celui de l’acrobatie. Ce sont deux personnages très sensuels, toujours dans un rapport de séduction. Lors de la scène des portraits, à l’acte II, ils invitent à tour de rôle Célimène à danser le cha-cha-cha, danse à la fois sensuelle et décalée qui s’inscrit dans l’atmosphère double de l’ensemble du spectacle.
Le caractère absurde et déliquescent d’une société régie par l’ennui et le paraître est mis en relief par l’observation ironique et silencieuse du couple de valets musiciens.
Les costumes sont contemporains. Toutefois, ils ne sont pas trop représentatifs d’une période donnée. L’ensemble doit donner un effet assez atemporel. Les thématiques du Misanthrope nous semblent aisément transposables à l’époque actuelle, notamment le rôle corrosif de l’ennui dans une société apparemment prospère. Cependant, les nombreuses références qui viennent nourrir l’univers de notre création, qu’il s’agisse des Damnés de Visconti, d’un Singe en Hiver de Blondin ou des Liaisons Dangereuses de Laclos, appartiennent à des périodes différentes. Il nous semblerait dommage, en insistant trop sur des parallèles actuels, de masquer le caractère essentiel et non anecdotique de cette œuvre de Molière.
L'enjeu. A l’heure de faire le choix d’un premier texte à défendre, le Misanthrope s’est immédiatement imposé à nous. Les principaux enjeux de la pièce, tels que nous les percevons, nous touchent particulièrement. Il nous semble que, loin de correspondre à une époque monarchique révolue, ils expriment des problématiques récurrentes inhérentes à toute société florissante sur le point de décliner. Ils trouvent en nous des résonances suffisamment profondes pour que nous ayons tous le désir de les exprimer devant un public contemporain. Le rôle de l’ennui dans une société en déliquescence nous paraît le premier point à mettre en relief. Il faut bien sûr prendre en compte le statut social des personnages, en ce sens qu’ils appartiennent pour la plupart à des sphères proches du pouvoir. Enfin, il nous semble intéressant d’observer que, dans le Misanthrope, la logique de la procédure est poussée à l’extrême et rejoint alors l’arbitraire.
C’est sur cet arrière-plan que se définissent nos personnages et les relations qui les unissent.
C’est une toute jeune compagnie qui en est à sa première création. Le projet a germé dans nos esprits en avril 2002. Tous issus de l’école d’art dramatique dirigée par Raymond Acquaviva, « Les Ateliers du Sudden » , nous avons entre 20 et 25 ans et des expériences très diverses. Nous avons suivi deux ans de formation ensemble et sommes mus par la même envie de créer des spectacles à l’image de nos désirs.
Nous avons souhaité fonder une compagnie qui nous permette à la fois de rencontrer un public et de continuer à progresser tous ensemble. C’est pourquoi notre objectif est double : formation et création.
Nous partageons tous une certaine conception des spectacles auxquels nous aimerions donner naissance. Avant tout, il nous semble que le théâtre a pour vocation de proposer un voyage au spectateur. Il se doit d’être inventif et d’interpeller l’imagination. Pour ce faire, nous nous inspirerons des formes artistiques les plus variées possibles, la musique, la danse et le cirque, entre autres.
Nous avons aussi le projet de nous cultiver sur les théâtres étrangers. Lors d’un voyage en Europe centrale, nous avons pris contact avec des professeurs et des élèves des conservatoires nationaux de Brno (république Tchèque) et Cracovie (Pologne).
Nous aimerions nous confronter à des textes classiques aussi bien qu’à des œuvres contemporaines et travailler en collaboration avec de jeunes auteurs français ou étrangers.
La compagnie regroupe dix comédiens dont certains sont attirés par la mise en scène. Nous travaillons en lien étroit avec de jeunes professionnels en communication visuelle, lumière, son et décors.
Nous avons choisi de « pousser notre premier rugissement » avec le Misanthrope de Molière.
14 bis, rue Sainte Isaure 75018 Paris