L'absurde comme constat
La mise en scène
L'adaptation
La presse
"Quand on est tueur à gages pour une organisation dont les objectifs restent obscurs, mieux vaut ne pas poser trop de questions..."
Le Monte-Plats est l’une des premières pièces de Pinter. A l’époque on a vu en lui un héritier du théâtre de l’absurde. Pinter lui-même ne voit pas vraiment le lien, même s’il a beaucoup d’admiration pour Beckett. L’absurde chez Pinter n’est pas une provocation mais un constat. C’est moins le fruit d’une réflexion métaphysique que d’une observation du monde réel. Avec Pinter on est toujours dans le concret. D’ailleurs on a tendance à voir le contenu politique du théâtre de Pinter comme limité exclusivement aux pièces écrites depuis les années ’80 - alors que les premières (L’Anniversaire, Le Monte-Plats, Hothouse, Le Gardien) me semblent présenter une vision du monde tout aussi politique que les dernières : il est question dans les unes comme dans les autres de faire taire la contestation. La contestation de Gus n’est encore qu’au stade du balbutiement. Il n’est ni un artiste comme Stanley dans L’Anniversaire, ni un radical comme semble l’avoirété (avant son traitement de choc) Aston dans Le Gardien. Mais il commence à poser des questions.
Ben et Gus travaillent comme tueurs à gages pour une mystérieuse organisation. Ça pourrait être la mafia comme ça pourrait être le MI5 - ou la CIA ou le KGB. Peu importe, en fin de compte, s’ils travaillent dans le privé ou le public. L’important, c’est qu’ils fassent le sale boulot sans se poser de questions. Ils doivent obéir, comme de bons petits soldats.
Pinter fait sortir l’absurdité de leur situation à travers l’image centrale de la pièce - image très concrète et d’ailleurs tout à fait banale : le monte-plats. Ben et Gus reçoivent des commandes venues d’en haut. Il ne leur vient pas à l’esprit de ne pas obéir. On peut voir en ce monte-plats une version moderne et dérisoire du « deus ex machina », où l’on ne voit que la « machina » et le « deus » reste obstinément hors scène. Mais l’humour noir de Pinter ne s’arrête pas là - c’est aussi une image de notre société de consommation : le message arrivé d’en haut ne consiste pas en commandements, mais en commandes… de repas. On demande des plats de plus en plus exotiques, et Ben et Gus, les travailleurs enfermés dans un sous sol sans fenêtre, répondent comme ils peuvent avec de vieux biscuits et un paquet de thé. Une autorité sans visage avec des exigences incessantes et impossibles à satisfaire - on pourrait se croire chez Kafka si ce paquet de thé et ces biscuits ne venaient pas nous rappeler que cette société-là, c’est la nôtre.
"A mi-chemin entre En Attendant Godot et Pulp Fiction, un duo classique signé Harold Pinter, prix Nobel de littérature."
Au risque de scandaliser l’intelligentsia du théâtre français, j’ai la ferme intention de monter cette pièce telle que l’auteur l’a écrite. Pas de trapézistes ni de nudité gratuite, pas de ré-interprétation pseudo-brechtienne ni d’interpolation de passages de la Bible ou d’autres textes de l’auteur - même pas de lecture des didascalies en voix off. Juste le texte de Pinter tel qu’il l’a écrit, incarné avec justesse et sobriété par deux acteurs de talent. La situation est concrète et crédible et il faut qu’elle le reste. L’absurdité profonde n’en sortira que mieux si le monde habité par les personnages paraît cohérent, banal même - et proche du nôtre.
Je suis obligé de m’adapter aux particularités de chaque salle où nous allons jouer mais dans la mesure du possible je voudrais respecter le dispositif scénique décrit par Pinter. Deux lits, un monte-plats, deux portes.
Nous sommes à la fin des années cinquante en Angleterre. Dans un sous-sol à Birmingham, pour être exact. Pour moi cela évoque la grisaille. J’envisage un décor et des costumes plus ou moins monochromes - du noir, du blanc et des nuances de gris. Un monde où la couleur est subtilement absente, sans que cela saute aux yeux. Un décor en rien remarquable qui laisse de la place aux acteurs. Le jeu doit être invisible. J’entends par là un naturel qui semble couler de source, sans effort, mais qui est en réalité le fruit d’un long travail. Un jeu épuré, réduit à l’essentiel. Pas de cabotinage. Rien de superflu. Une mise en scène au service des acteurs. Des acteurs au service du texte.
"On dirait que c’est pas ficelé pareil que les hommes, les femmes. La texture c’est plus mou. T’as vu comme ça s’est répandu, hein ? Mais je voulais te demander. Qui est-ce qui range une fois qu’on est parti ?"
Pour retrouver la force, la précision et l’humour du texte original, il est nécessaire de faire une nouvelle adaptation. Eric Kahane était un homme tellement charmant qu’on n’avait pas envie de contrarier, mais maintenant qu’il n’est malheureusement plus là, il faut bien reconnaître que ses adaptations imposent un point de vue assez personnel qui ne respecte pas toujours ni la musique ni même le sens du texte de Pinter.
Par exemple, Eric voyait Trahisons comme une variation géniale sur le thèmeéternel du théâtre de boulevard : la femme, le mari et l’amant. Ainsi il a choisi de traduire le verbe « to betray » non pas par « trahir » mais par « tromper ». Ce faisant, il diminuait sérieusement la force émotionnelle du mot, lui enlevait sa résonance biblique et affaiblissait la structure même de la pièce puisque le titre n’avait plus d’écho dans le texte et son thème central devenait presque trivial.
En tant qu’assistant de Pinter lors de sa mise en scène de la version française d’Ashes to Ashes, je lui ai signalé quelques problèmes dans l’adaptation d’Eric et nous avons, sans difficulté, trouvé des solutions tous les trois ensemble. Mais il est clair - et Harold s’en est bien rendu compte - que ce travail-là n’a pas été fait sur les textes précédents. Pour Trahisons, dans la mise en scène de David Leveaux au Théâtre de l’Atelier, j’ai complètement retraduit la pièce en collaboration avec les acteurs. Eric était trop malade pour participer à cette nouvelle version. Il est décédé quelques jours avant la première. Harold a approuvé le nouveau texte et s’est étonné que personne auparavant ne lui ait fait remarquer la différence entre l’anglais et le français.
Pour ma mise en scène du Monte-Plats, j’ai choisi de refaire l’adaptation en collaboration avec les acteurs, comme pour Trahisons. Ce sont eux qui vont dire le texte, leur avis m’est important et on peut ainsi être sûr de finir avec des répliques qui sont « bien en bouche ». Je pense aussi que leur interprétation se nourrit de nos discussions sur le sens des mots, et sur leur force dramatique. Je vais faire de mon mieux pour retrouver tout l’humour, toute la tension et toute la brutalité du texte original.
« Ce spectacle est d’une précision remarquable. Le duo est interprété avec justesse par Anatole de Bodinat et Alexis Victor. » Marie-Céline Nivière, Pariscope
« Un classique précis et rigoureux, où les deux acteurs font un travail fin, précis et rigoureux. » Sylviane Bernard Gresh, Télérama TT
« La pièce, à mi-chemin entre absurde et humour noir, comblera les amateurs des deux genres. » Marissa Périssé, Pariscope
« Anatole de Bodinat et Alexis Victor sortent le grand jeu. Recommandé ! » Olivier Cabrera, VSD
« Effroyablement réussi ! » Sindy Trudo, temps libre magazine
« Une réussite ! » Les Echos
« Anatole de Bodinat et Alexis Victor sont irréprochables. » Le Nouvel Observateur
« Quel beau jeu ! On ne s'en lasse pas ! » Paru vendu
« Une mise en scène au cordeau. » L'Express
« Deux acteurs frappants de véracité, dirigés adroitement par Mitch Hooper, s’emparent avec brio de ces dialogues géniaux d’Harold Pinter, trompeusement insignifiants, où gronde, comme en sourdine, l’absurdité de la condition humaine. » Guillermo Pisani, Theatreonline.com
Un spectacle d'une grande qualité ! Les comédiens sont excellents et tellement naturels que ça en est troublant... Du grand Pinter !
Bravo aux deux comédiens qui savent nous faire vivre la tension les vibrations du texte très subtil de Pinter avec la note d'humour justement amenée par Ben et bien reléguée par son "compère" bravo! c'est du plaisir et dans une jolie salle voûtée, un décor qui en rajoute à la qualité de la pièce J'ai beaucoup aimé
Un spectacle d'une grande qualité ! Les comédiens sont excellents et tellement naturels que ça en est troublant... Du grand Pinter !
Bravo aux deux comédiens qui savent nous faire vivre la tension les vibrations du texte très subtil de Pinter avec la note d'humour justement amenée par Ben et bien reléguée par son "compère" bravo! c'est du plaisir et dans une jolie salle voûtée, un décor qui en rajoute à la qualité de la pièce J'ai beaucoup aimé
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