Au sommet de son art, Sacha Guitry nous lègue un des petits joyaux dont il a le secret, chef-d’œuvre de lucidité tendre et cruelle, variation nouvelle sur quelques-uns de ses thèmes de prédilection : le désamour, l’infidélité conjugale, le divorce, l’éternel retour du désir... Daniel Benoin a choisi un dispositif scénique original et singulier pour mieux projeter le spectateur dans le tourbillon des énigmes et des révélations de la pièce.
Le texte est publié aux éditions Presses de la Cité.
« Naguère un mari trompé répudiait sa femme. Ça nous semble aujourd’hui purement ridicule. Dans vingt ans c’est nous qui ferons rire... de notre résignation – ou de notre hypocrisie - de notre respect des lois, des coutumes établies et des usages les plus usagés... Aucune loi, aucune considération, rien enfin ne doit contraindre deux êtres qui ne s’aiment plus de continuer à vivre côte à côte... » (Le Nouveau Testament, 1934). Ces quelques phrases font partie de la conclusion visionnaire de Guitry dans sa pièce. Pour lui le couple n’existera plus à partir du milieu des années 50.
Un médecin surprend sa femme dans les bras du fils de son meilleur ami. Croyant à son suicide, l’épouse infidèle, l’ami, sa femme et leur fils ouvrent son testament : ils y trouvent quelques secrets qui les impliquent tous et qui semblent remettre en cause l’ordre établi.
Dans un décor unique, mêlant acteurs et spectateurs, comme si ces derniers étaient en première ligne dans les interrogations qui surgissent entre les couples, leurs ruptures, leurs retours, leurs fuites, leurs indécisions..., cette pièce prend des allures d’étude clinique, presque scientifique, sur le devenir des mots « être ensemble ».
Comme toujours Guitry, totalement insensible à l’Histoire, évite d’introduire le contexte, la conjoncture ou tout simplement l’époque pour laquelle il écrit.
Le Nouveau Testament est écrit en 1934, après le 6 février. J’imagine volontiers que le personnage de Jean perde sa veste ce jour-là, au moment où les ligues fascistes tentent de prendre le pouvoir en France... Cette mise en perspective pourrait ainsi contribuer à ouvrir des voies nouvelles et inattendues pour celui qui, s’inscrivant avec force dans le genre « comédie à la française », est incontestablement l’un des successeurs de Molière.
Daniel Benoin
19, rue des Champs 59200 Tourcoing