Depuis 2005 et son étonnante interprétation - ou plutôt « mise en scène » - de Mouvement für Lachenmann, Xavier Le Roy poursuit sa recherche sur la distinction entre le son et le geste. Dans ce spectacle, la partition Salut für Caudwell de Lachenmann, pour deux guitaristes, était interprétée par des instrumentistes cachés derrière des paravents, tandis que deux autres guitaristes, parfaitement synchrones, suivaient et mimaient la partition en jouant sur les cordes d’un instrument invisible. Mimaient, ou plutôt incarnaient, tant il est ici question de mettre en lumière un saisissement - le caractère chorégraphique et théâtral du geste musical, et à travers lui la dimension proprement charnelle, humaine, de la musique.
L’idée du Sacre du printemps a germé, chez le danseur et chorégraphe, à partir de l’observation du chef Simon Rattle dirigeant l’Orchestre de la Philharmonie de Berlin dans le chef-d’œuvre de Stravinsky. Pour construire la structure de la chorégraphie, Xavier Le Roy a appris certains gestes et mouvements du chef d’orchestre. Et il les reproduit scrupuleusement face au public, tandis que l’œuvre est difusée selon un procédé de spatialisation permettant d’isoler les groupes d’instruments. Chaque spectateur a le sentiment d’être placé au cœur de l’orchestre, d’être “dirigé” par cette chorégraphie.
Jeu de miroir, numéro troublant autant que virtuose, ce Sacre du printemps invite à faire l’expérience intérieure de la mobilité et du dynamisme du son, de la musicalité du geste : quand joue-t-on, et quand est-on joué, mis en action par ce que l’on interprète, voit ou entend ? Toute exécution musicale n’est-elle pas également une danse, dont la vue conditionnerait naturellement l’audition, l’impression ? Sur un fil tendu entre la minutie et l’exubérance, Xavier Le Roy scrute une alchimie qui défie l’entendement.
Musique d'Igor Stravinsky. Enregistrement de l'Orchestre Philharmonique de Berlin dirigé par Sir Simon Rattle.
Place Georges Pompidou 75004 Paris