Une vaste histoire de vampires
Si tout le monde - ou presque - connaît L'Opéra de Quat'Sous, personne - ou presque ne connaît L'Opéra du Gueux. Pourtant, sans ce dernier, l'uvre de Brecht et de Weill n'aurait jamais existé, L'Opéra de Quat'Sous (1928) étant une adaptation en allemand - ainsi qu'une transposition moderne - de la pièce écrite par John Gay exactement deux cents ans plus tôt (1728)... en somme, une matière artistique traversant les siècles, s'adaptant aux circonstances, avec pour fil conducteur la critique sociale.
Le spectacle rend compte, à travers ces deux uvres, d'un phénomène bien vivant une vaste histoire de vampires où chacun se nourrit de son prochain, au plan humain, au plan social... comme au plan artistique : ainsi John Gay s'approprie-t-il un répertoire parfois vieux de plusieurs siècles pour y flanquer de nouvelles paroles, tandis que Brecht et Weill pillent joyeusement L'Opéra du Gueux. A notre tour, nous nous abreuvons de l'ensemble, à une époque où la vampirisation bat son plein, à l'échelle planétaire.
Pascal Le Pennec
Deux vampires poussiéreux, mais bien réels, poursuivent inlassablement leur chemin dans les siècles. Accompagnés de deux musiciens, ils ouvrent chaque soir les portes de leur cabaret de quat'sous. Loin des fastes de leurs premières apparitions gothiques, c'est avec quelques planches et les ruines de leur renommée qu'ils se préparent à refaire le numéro du grand cirque de la vie et de la petite chronique des rapports malsains.
Entre dérision et cruauté ils hantent les théâtres, la nuit, en équilibre précaire au-dessus des affres de la comédie humaine. Ils sont là sans espoir de repos, persistants comme la mauvaise conscience et l'exploitation de la misère.
Immortels... probablement.
Laurent Fraunié
73, rue Mouffetard 75005 Paris