Nous sommes le 6 avril 1917. Depuis 3 ans la France s’enlise dans une guerre tragique. L’enjeu de cette pièce est la prise de décision qui doit infléchir le cours de la guerre et mener à la victoire : doit-on ou non lancer l’offensive du Chemin des Dames pour percer définitivement le front allemand ? Si le suspense et le doute sont constants, l’humour n’est pas absent.
J’ai écrit Le Chemin des Dames en concentrant dans un huis-clos décisif ce que la décision – ce bras armé de notre liberté – fait peser sur nos existences. Pesanteur tragique de l’erreur de décision qui est d’ailleurs à l’origine du théâtre avec OEdipe. Je ne peux évoquer sans émotion ces millions de soldats de la Grande Guerre qui ont payé de leur sang les erreurs des généraux et des politiques. Cette émotion diffuse tout au long de la pièce, il me semble, et en relève l’amertume.
Dans la décision se joue le destin de chaque personne mais aussi celui des armées et des nations sans que le discernement ne sorte très souvent l’histoire de son tragique et ordinaire chaos. La décision requiert courage et intelligence, comme chacun sait. Le Chemin des Dames met en scène ce courage et cette intelligence à travers des personnages forts qui s’affrontent avec force. Mais ce conseil de guerre – ce comité de direction de la France – visualise une autre tragédie de l’histoire qui veut que le courage sans intelligence fasse beaucoup plus de dégâts que l’intelligence sans courage. Ainsi passe et trépasse la gloire du monde.
Comme il s’agit de regarder une situation avec différentes lunettes, j’ai utilisé les contrepoints qu’offrent les techniques du théâtre pour illustrer ces mondes qui s’entrechoquent : personnages monolithiques ou ambigus, coq-à-l’âne, fuite dans l’humour et même surprise dans ce cheminement vers un dénouement connu. Du théâtre à l’état chimiquement pur enchâssé dans de l’histoire à l’état tragiquement vrai.
Bruno Jarrosson
6 avril 1917. Depuis trois ans la France s’enlise dans une guerre dévastatrice : le général Nivelle a succédé à Joffre quelques mois plus tôt. Paul Painlevé vient d’être nommé ministre de la Guerre, après la démission de Lyautey. Robert Nivelle, le Général en Chef des Armées, a prévu d’attaquer le 16 avril au Chemin des Dames avec 800 000 hommes et 3 000 canons. Après une enquête approfondie sur le terrain, Paul Painlevé s’insurge contre ce plan, en accord avec quelques officiers et généraux, dont Pétain. Deux camps s’opposent. Le Landerneau militaropolitique est en ébullition.
Au cours de la réunion proposée à la hâte par le président Raymond Poincaré, Paul Painlevé torpille le plan de Nivelle ! Son analyse argumentée met le général en chef en grande difficulté. Le Général Philippe Pétain qui travaille en sous-main à remplacer Nivelle, achève la démolition en démontrant que la stratégie de « l’offensive à outrance » va se briser sur les mitrailleuses allemandes. Nivelle perd pied. Il tente alors un coup de poker. Il donne sa démission. Poincaré, incapable de trancher, semble comme noyé dans son indécision. Nous avons situé l’action dans l’inconfort d’une salle de la gare de Compiègne. La réunion doit durer une heure. Il y a urgence. Ce qui m’a intéressé dans ce huis-clos, c’est l’incroyable virulence de la discussion dans laquelle politiques et militaires usent de mensonges, de chantage, de duels verbaux à la violence assassine, pour convaincre un président plus qu’hésitant.
Les haines croisées de Painlevé, Nivelle, Ribot, Pétain, Poincaré, Micheler aboutissent… à la décision irréfléchie, prise contre toute logique par Poincaré : lancer, sans plus attendre, l’offensive du Chemin des Dames… joli nom pour un massacre qui fera 50 000 morts du côté français. L’horrible messe est dite.
On rit souvent dans le Chemin des Dames devant l’incohérence, l’amateurisme ou l’irresponsabilité de ces militaires et politiques, plus soucieux de leur carrière que du coût humain de l’opération. On songe aux décisions, pas si lointaines, prises par nos dirigeants, et le présent s’illumine soudain à la lumière de ces évènements passés.
Yves Carlevaris
Et très beau texte.
Beaucoup de rire malgré un sujet difficile. Bravo aux acteurs qui nous font passer un très bon moment. Nous y étions avec un adolescent qui a adoré la pièce et une enfant de 10 ans qui n'a pas totalement adhéré.
Une" leçon" d'histoire servie par six acteurs dont le jeu intense et drôle n'en permet pas moins de proposer une réflexion sur l'irresponsabilité des décideurs en temps de guerre. On ne s'ennuie pas une minute.
Une heure pour prendre une décision majeure, c'est dense, c'est tenu, ça s'envole, ça s'accroche, ça rebondit. On suit très bien toutes les péripéties de la prise de décision. Très bonne interprétation. Allez-y !
Pour 6 Notes
Et très beau texte.
Beaucoup de rire malgré un sujet difficile. Bravo aux acteurs qui nous font passer un très bon moment. Nous y étions avec un adolescent qui a adoré la pièce et une enfant de 10 ans qui n'a pas totalement adhéré.
Une" leçon" d'histoire servie par six acteurs dont le jeu intense et drôle n'en permet pas moins de proposer une réflexion sur l'irresponsabilité des décideurs en temps de guerre. On ne s'ennuie pas une minute.
Une heure pour prendre une décision majeure, c'est dense, c'est tenu, ça s'envole, ça s'accroche, ça rebondit. On suit très bien toutes les péripéties de la prise de décision. Très bonne interprétation. Allez-y !
Une pièce de théâtre très bien jouée ! Le texte comme la mise en scène permettent de revenir ou découvrir un moment historique de la première guerre mondiale. Mais la pièce fait réfléchir à la difficile prise de décision face à l incertitude, aux choix politiques, à la guerre. C est aussi un huit clos très contemporain révélant des facettes de la nature humaine. Œuvre utile et pédagogique. A découvrir !
Sujet difficile, bien traité par des acteurs non connus (dommage) mais de grands talents. Ne manquez pas ce spectacle qui explique les prises de décision de nos dirigeants...
6, rue Pierre-au-Lard 75004 Paris