Le garçon aux sabots

Le Garçon aux Sabots est le premier texte jeune public de Marie-Line Laplante, auteur de plusieurs pièces primées au Québec. Elle a été pour la première fois jouée en France.

En mettant en scène quatre garçons qui s’affrontent pour devenir « le maître du monde », la pièce inscrit son action dans une société violente où la compétition, la concurrence, l’affirmation de soi par le déni de l’autre révèlent une impasse tragique et montrent la nécessité de la règle pour que vivre ensemble ne soit pas une jungle où force fait loi.

La mise en scène croise théâtre, danse et marionnettes, et permet l’émergence d’une forme, et d’une énergie bien singulières, référées à la culture des rues, aux «battles», aux joutes hip-hop. Tout autant que de créer une forme théâtrale percutante.

« … La mise en scène de Luc Laporte est à l’image de ces ralentis sportifs qui permettent de décomposer l’action pour mieux la saisir. Si les quatre garçons s’identifient de plus en plus dangereusement à leurs personnages, le spectateur, lui, …. est invité à se distancier pour contempler les ressorts intimes d’une mécanique impitoyablement mise à nu. Pourtant, ce spectacle … ne cherche en aucun cas à démontrer, les réflexions suscitées étant laissées à la discrétion du spectateur auquel on accorde ainsi le statut d’un interlocuteur privilégié, lui marquant … respect et confiance, quel que soit son âge. »

Fruit d’une hybridation réussie entre danse et théâtre d’ombres, la nouvelle création de la compagnie Contre Ciel plaque une lumière crue, quasi chirurgicale, sur le phénomène de la volonté de puissance comme moteur de l’existence.

La chorégraphie hip-hop et les ombres portées d’objets sculptés servent de contrepoint et de complément à un texte bref, incisif, fortement influencé par la lecture des mangas, et révélateur d’une carence de communication entre des protagonistes marionnettisés et réduits à ne s’exprimer que par le truchement de leur arme fétiche, tels des personnages de jeu vidéo.

Les quatre garçons s’affrontent, se testent, se jaugent, mais en l’absence du Verbe, ils ne peuvent exorciser leur violence. Le jeu bascule alors dans le drame, l’émulation devient guerre sans merci, le « round » matérialisé par un cercle cartonné devient tranchée. Les personnages s’enfoncent dans une dialectique circulaire et destructrice qui les conduit à l’impasse tragique.

Car quel est l’enjeu réel de cet affrontement ? Que deviendrait un hypothétique « maître du monde » qui aurait définitivement assis sa domination et se verrait privé d’ennemi, sa violence tournant à vide ?

La mise en scène de Luc Laporte est à l’image de ces ralentis sportifs qui permettent de décomposer l’action pour mieux la saisir. Si les quatre garçons s’identifient de plus en plus dangereusement à leurs personnages, le spectateur, lui, par l’opposition entre tridimensionnalité des corps et bidimensionnalité des ombres, par la scansion irréaliste du texte et par la recherche de stylisation et de sobriété extrême, est invité à se distancier pour contempler les ressorts intimes d’une mécanique impitoyablement mise à nu.

Pourtant, ce spectacle qui montre ne cherche en aucun cas à démontrer, les réflexions suscitées étant laissées à la discrétion du spectateur auquel on accorde ainsi le statut d’un interlocuteur privilégié, lui marquant tolérance, respect et confiance, quel que soit son âge.

Frédérique Michel, www.theatre-enfants.com

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