Le poumon ! Pas de doute, c’est le poumon ! Si on ose lui prétendre qu’il n’est pas malade, Argan se rebiffe et n’en démord pas : il veut être malade ! Et pour s'assurer qu’il sera toujours soigné et dorloté, il déclare que sa fille épousera un médecin. Point. Il faudra tout le bon sens et l’humour de la servante Toinette pour calmer la folie qui semble s’être emparée du maître ; comme si les nombreux lavements que ses médecins lui infligent lui avaient siphonné le cerveau ! Mais il s’agit d’en finir avec les charlatans, prescripteurs de potions magiques et autres clystères subtils qui aveuglent Argan, et de ramener ce grand malade à la raison.
Dernière pièce de Molière, Le Malade imaginaire est aussi son dernier, peut-être son plus grand pied-de-nez : l’auteur se sait malade, il sent que Louis XIV se détourne de lui, et plutôt que de s’en affaiblir, il s’en renforce encore. Il continue à tourner en ridicule ses contemporains, comme il l’a toujours fait, mais cette fois il se moque aussi des détracteurs de son théâtre et même de la mort qui le menace. Bref, Molière est auteur jusqu’au bout des ongles : en situation de crise, c’est dans l’écriture qu’il rebondit.
Et il le fait avec plus d’insolence que jamais : il est malade et se moque des médecins, il va mourir et fait dire à Béralde « Molière a ses raisons pour ne point vouloir de remède : il soutient que cela n’est permis qu’aux gens vigoureux et robustes ».
De quoi nous parle ce Malade imaginaire aujourd’hui ? S’agit-il encore de dénoncer l’ignorance totale des médecins ? Même s’il ne me semble pas inutile de rappeler qu’une certaine méfiance et un certain libre arbitre sont toujours bons à cultiver face aux affirmations de certains de nos spécialistes actuels, il me paraîtrait idiot d’affirmer que la médecine est inutile ou nuisible.
Cette pièce aurait-elle donc perdu sa pertinence Loin de là. Si on se penche sur la situation de l’auteur – un mourant qui veut regarder la vérité en face – et sur la médecine qu’il dénonce – une pourvoyeuse de faux espoirs plus que de réelles solutions – le message nous paraît tout à coup limpide et d’une actualité intacte : Molière nous interroge sur notre hypocrisie face à une vérité qui fait mal, sur notre faculté à nous mentir à nous-mêmes.
Argan, en bon égocentrique qu’il est, souhaite ardemment être malade pour qu’on s’occupe de lui ; mais il craint tout aussi ardemment de l’être, par peur de voir disparaître ce qui lui est le plus cher au monde : lui-même. La « vérité qui fait mal », pour lui, c’est d’entendre qu’il est en bonne santé et qu’il ne nécessite pas plus d’attentions que les autres.
Molière nous le montre tiraillé, tout au long de la pièce, entre deux catégories de personnes : ceux qui l’aiment et qui lui disent ce qu’il n’aime pas entendre, et ceux qui ne l’aiment pas et qui lui disent ce qu’il aime entendre. Il s’entoure de « yes men » qui profitent de lui en le berçant d’illusions, et veut se débarrasser de ceux qui sont (trop) sincères avec lui. Ce dilemme me semble tout à fait actuel : je croise tous les jours beaucoup d’Argan, dont un régulièrement dans le miroir...
Patrice Mincke, metteur en scène
Très bonne soirée ... mise en scène soignée très bons acteurs. A refaire
C'était un très bon moment. Les comédiens étaient à la hauteur pour jouer ce chef d'oeuvre de molière
Pour 2 Notes
Très bonne soirée ... mise en scène soignée très bons acteurs. A refaire
C'était un très bon moment. Les comédiens étaient à la hauteur pour jouer ce chef d'oeuvre de molière
Rue Braemt 74 1210 Bruxelles