Le Médecin malgré lui est d’une étoffe littéraire fallacieuse. Cette exubérante gaieté de forme toute en bouffonneries exhale son lot de noirceurs intemporelles : femme battue et autres violences physiques et morales nées de la contrainte, déchéance, charlatanisme. Rappelons que la pièce s’ouvre sur l’univers crasse d’un couple dans un cycle de violence conjugale inouïe. Et que son degré finisse par conditionner une vengeance d’une surprenante immédiateté aussi bien dans sa fomentation que dans sa mise en action.…
J’ai choisi une forme où la volonté du « nous » supplanterait celle du « je » dans l’écriture du plateau, dans un souci de fidélité à l’esprit de Molière. Et si ce dernier avait fait sienne la devise « castigat ridendo mores »(« En riant elle châtie les moeurs ») qui ornait les tréteaux italiens à propos de la comédie au XVIIème siècle, elle se niche, chez nous, dans une forme émancipée de la commedia dell’arte où la sincérité et la vérité des coeurs chevauchent la ligne de faille entre le drame éruptif et le rire explosif.
Le décor, conçu par Stefano Perocco, s’inspire directement de l’univers de la commedia d’ell arte. Trois tréteaux se déplacent et se transforment au gré des actes, créant ainsi des univers variés, comme la forêt de Sganarelle ou encore le salon de chez Géronte. De plus, deux tables de maquillages sont disposées à cour et à jardin où l’on peut voir les comédiens évoluer dans leur préparation de maquillage et de changement de costumes. Dans l’esprit de nos décors transformables, les costumes se transforment également, suivant les personnages et les scènes. Conçus par Solveig Babey ils s’inscrivent dans le style du XVIIème siècle. Avec ce spectacle il s’agit pour nous d’amuser et de divertir le public sans trahir le génie de Molière.
C’est pourquoi j’ai, avant tout, axé mon travail sur la direction du jeu des acteurs et nous avons oeuvré à chercher ensemble la sincérité et la vérité des personnages du Médecin malgré lui, afin d’augmenter le pouvoir comique des situations pour faire vivre au mieux, aux spectateurs, l’âpreté de cette société et la satire de la médecine que Molière dépeint avec brio, drôlerie et fantaisie. Chaque scène est explorée par une mise en scène enlevée et visuelle, servie par des comédiens au jeu jubilatoire.
Gaspard Fasulo.
« On sent chez chacun une grande maîtrise des codes de ce style et une énergie, un appétit de jouer qui emporte le morceau dans toutes les scènes. C’est drôle, bien vu, bien joué. » Bruno Fougniès, Reg'Arts.
Comment vient le choix de monter une oeuvre classique, Le Médecin malgré lui de Molière dans l’histoire de la compagnie ?
Le terme « classique » est une classification un peu pernicieuse. Il renvoie aux esprits quelque chose de poussiéreux et les détourne de l’intemporel des problématiques soulevées par cette oeuvre et du principe de satire… Oui, la pièce porte en son écriture l’héritage de la farce à la française de tradition moyen-âgeuse et la leçon de commedia dell’arte, non sans quelques rappels de pièces antérieures de Molière. Y sont convoqués certains thèmes de prédilection de l’auteur : la médecine comme sujet de croyance aveugle, par exemple… On y retrouve les couples désunis, les pères omnipotents, les domestiques funambulesques, les jeunes premiers empêchés, dans un ballet de bastonnades et de bouffonneries. Les saillies verbales et le comique de situations qui mettent en lumière la violence domestique, les fausses croyances, le mariage forcé, autant de thèmes développés dans le Médecin malgré lui ne peuvent raisonnablement être mis au rencart de la modernité… Je voulais fédérer, à ce stade d’émergence de la compagnie, autour d’un ouvrage qui soit un entrelac de rire et de profondeur sous le divertissement. La manière dont le rire jaillit est une quête pour moi. Depuis le début de l’aventure Kapo Komica, force est de constater que j’interroge le plateau pour le traiter. Je suis né au théâtre en cotoyant cette politesse du désespoir aussi bien en tant que spectateur que comédien, ayant été biberonné aux dits classiques pendant ma formation…
Comment vous êtes-vous employés avec l’équipe à servir le mélodrame sous le comique ?
Le rire est le moyen d’exorciser les angoisses et les violences de notre société. Pour mes comédiens, faire rire doit passer par l’incarnation du drame et l’exacte mesure des situations dramatiques.
Il y a une réelle démarche d’artisan dans votre direction d’acteurs, une « édification ensemble », elle est très nette dans vos choix esthétiques et scénographiques…
J’ai toujours été fasciné par la manière dont on construit le théâtre. Le fait d’avoir exercé auparavant des métiers manuels n’y est certainement pas pour rien. Et puis j’ai eu une solide formation à la commedia dell’arte chez Carlo Boso. On en sort avec cette idée forte que tout se construit sur le moment, dans le nomadisme, les tréteaux qu’on monte et qu’on démonte… Je voulais montrer comment « on fait le théâtre ». Molière s’étant inspiré lui-même de la commedia dell’arte, il m’a semblé légitime d’en faire autant et d’insuffler à notre Médecin malgré lui l’âme, la folie et le rythme de cette forme théâtrale, ô combien populaire... Mais dans ma mise en scène celle-ci ne reste qu’une inspiration.
Vous avez travaillé sur le rythme insufflé par l’écriture de Molière, cette musique de la farce, comment le travail sonore vient-il la soutenir ?
Nous avons travaillé avec notre compositeur Julien Arnaud, de manière à ce que la musique du Médecin malgré lui ait une place importante dans la création, elle est un personnage à part entière de la pièce et accompagne avec brio nos personnages tout au long de cette histoire, dans un style naviguant entre la musique actuelle et la musique classique. »
Magnifique représentation! Les acteurs ont merveilleusement fait revivre Molière ! Résonances classiques toujours d'actualité!!
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Magnifique représentation! Les acteurs ont merveilleusement fait revivre Molière ! Résonances classiques toujours d'actualité!!
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