Le Prince travesti est la seule pièce de Marivaux à être construite sur le schéma dramaturgique d'une tragédie. Aux intrigues de l'amour, aux affrontements entre maîtres et valets, se mêlent ici, les enjeux du politique. Le même dilemme que dans Bajazet de Racine lie les principaux personnages, des princes et des princesses, des gouvernants, et semble les entraîner à leur perte.
Il s'agit pourtant d'une comédie, et c'est certainement pour mieux illustrer l'effondrement de ce monde héroïque face aux idées neuves de son temps, que Marivaux choisit un telcontexte pour sa pièce. Ici le comique naît, entre autres, de cette friction entre l'ordre établi et la revendication d'une nouvelle donne sociale.
Une société nouvelle pas forcément meilleure, où l'argent règne en maître, mais dans laquelle les pouvoirs sont contestés. Car Arlequin et Lisette font d'avantage avancer l'action du Prince travesti que leurs maîtres.
Au cœur de l’histoire nous retrouvons une jeune veuve qui après un mariage malheureux, retourne à la cour où elle redevient la confidente de la princesse, son amie d’enfance. Un prince parcourt le monde incognito pour apprendre à gouverner. Après une déception amoureuse, il s’engage comme mercenaire dans l’armée du royaume et remporte une victoire décisive.
Il devient le favori de la princesse qui lui offre son cœur et la tête du gouvernement. Furieux, un vieux ministre cherche à perdre l’aventurier en corrompant son valet Arlequin et en découvrant la vérité à la princesse : l’homme est amoureux de sa confidente qu’il a autrefois sauvée d’une attaque de brigands.
Intrigues, amours cachées, arlequinades, trahisons, révélations de tout sorte sont les maîtres mots de cette comédie riche en rebondissements où les protagonistes masquent leur identité pendant une partie de l’action afin d’approcher l’objet de leur vœu. Grâce à une mise en scène dynamique, les moments dramatiques succèdent aux bouffonneries sans rupture entraînant le spectateur au cœur de la pièce où il assiste au jeu de faux semblant des personnages toujours à la limite d’être démasquer.
Pouvoir jouer Marivaux, c'est également faire résonner un langage étincelant, dont les personnages se servent comme d'une arme, et dont le succès auprès du public ne se dément pas. Mettre en scène une pièce de Marivaux, c'est donner vie à des personnages, presque des archétypes, qu'il manipule de manière récurrente au fil de ses comédies.
Des personnages qui décident inévitablement de masquer leur identité pendant une partie de l'action afin d'approcher l'objet de leurs vœux, qui divulguent des mensonges et dispersent malgré eux la vérité dans une anarchie ravageuse. Cette mécanique de la comédie repose sur le faux-semblant. Les protagonistes présentent au monde un certain visage alors qu'il en va très différemment dans leur for intérieur.
C'est de cette dualité, du déséquilibre constant où les personnages sont placés, au bord de la chute, à la limite du démasquage, que, spectateurs ou interprètes, nous tirons le plus de plaisir. Jouer Marivaux, c'est également faire résonner un langage étincelant, dont les personnages se servent comme d'une arme, et dont le succès auprès du public ne se dément pas.
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