Une impossible révolte
Historique du camp d'extermination de Treblinka
Note de mise en scène
Les personnages
La compagnie Picpus
Cinq prisonniers, à la fois isolés dans cette solitude extrême et dans le face à face avec la mort, bâtissent une impossible révolte. Là ou la vie ne tient qu’à un fil, l’essentiel se déclare vite, et brusquement une solidarité de survie peut gagner les esprits, se propager, repousser la limite du possible.
D’après le roman de Jean-François Steiner, adaptation par Désiré de Lavie.
Il est le plus connu et le plus important de l'atroce série : de l'ouverture du camp (23 juillet 1942) à la révolte (2 aôut 1943) périrent environ 800 000 Juifs. Le camp était installé dans une lande déserte, au nord-est de Varsovie. Deux parties dans le camp. D'un côté, réception des convois. Une équipe de condamnés en sursis est chargée de déshabiller, tondre et dépouiller les victimes, qui sont ensuite poussées dans la chambre à gaz dont l'espace est rationnellement utilisé : les adultes doivent y pénétrer mains levées ; on jette les enfants par-dessus les têtes. A l'autre bout du camp, les bûchers et les charniers.
La machine bien huilée se met en marche le 23 juillet 1942 et tourne avec une régularité d'horloge jusqu'au 2 aôut 1943 ; ce jour-là une révolte bloque les rouages de l'extermination en détruisant une partie des installations. La révolte a été minutieusement organisée par le docteur Chorongitski, puis par Galewski, Adolphe Friedman et le capitaine Djielo qui y laisseront leur vie. L'administration S.S. se voit amenée à liquider le camp : Treblinka fut rasé et son sol labouré. Tous les documents furent détruits.
Tous les membres du Comité de résistance et la plupart de ceux qui jouèrent un rôle dans le soulèvement du camp périrent au cours de la révolte. Sur le millier de prisonniers qui se trouvaient alors dans le camp, six cents environ parvinrent à s'évader et à gagner les forêts voisines sans être repris. Sur ces six cents évadés il ne restait, un an plus tard, à l'arrivée de l'Armée Rouge, que quarante survivants. Les autres avaient été tués au cours de cette année par des paysans polonais, les bandes fascistes ukrainiennes, les déserteurs de la Wehrmacht, la Gestapo et les unités spéciales de l'armée allemande.
De tout temps, l'homme a eu à affronter ses monstres et à se surpasser pour vaincre d'insurmontables épreuves.
Dans l'indescriptible tragédie de la Shoah, la naissance d'une révolte réveille en nous les grands mythes où le courage des hommes est déterminant. Ici, la moindre parcelle d'espoir a valeur d'éternité et les rêves d'évasion prennent corps, tel un ballet dont on règle les détails. Un instant, la vie triomphe de la mort et l'homme prend sa dimension d'éternité.
En surplomb, sur une passerelle dotée de rails, dans un mouvement implacable de balancier, deux techniciennes nazies forgent inlassablement les "ornements" du crime. Mécanique froide et stridente, dont le maillon plus incarné, le commandant du camp, astique diaboliquement les rouages. Au sol, les acteurs de la révolte se trouvent simplement dans un espace commun, au bord de la nuit, au ras du mouvement et du souffle, dans le chuchotement des ombres. Là, des bribes de paroles surgissent, isolant de-ci de-là un visage, un corps.
De temps à autre, semblables à une respiration, la musique et la danse ponctuent la pièce, ouvrant des champs de perception autres, tout comme procède la mémoire lorsqu'elle cherche à recomposer l'histoire.Théâtre et danse mêlés proposent ce passage d'un plan d'écoute à un autre, laissant résonner la question de la liberté de l'homme jusque dans la musique.
Cette pièce propose une approche sensible et poétique de la nature humaine, qui rejoue quelque chose de l'éternel face à face de l'homme avec son ombre.
Les prisonniers de Treblinka
Galewski : Ingénieur à Varsovie. Il fut le chef de la révolte, après l’assassinat
du docteur Chorongitski. Galewski périt au cours de la révolte.
Adolphe Friedman : Ancien de la Légion étrangère. Barroudeur et principal protagoniste
de la révolte, il périt au cours de celle-ci.
Djielo : Capitaine de l’armée tchèque et stratège en chef de la
révolte, il périt également.
Berliner : Assassiné à coups de pelle pour avoir tué un surveillant S.S.,
après que ce dernier eut frappé avec force son père qui venait de descendre du
wagon.
Choken : Jeune homme qui s’évada de Treblinka. Arrivé à Varsovie, il
participa à la révolte du ghetto, fut pris et renvoyé à Treblinka. Il y mourut de ses
blessures.
Les représentants nazis
Les deux techniciens : Administrateurs nazis qui supervisaient
l’assassinat de centaines de milliers de juifs.
Kurt Franz : Commandant du camp de Treblinka. Ancien garçon de café
ayant trouvé “sa voie” avec le nazisme.
Le théâtre a cet instinct de vie qui souvent incarne la douleur du monde. Il en partage la gravité et la
dérision par le jeu des perceptions entre scène et public.
En 1990, Désiré de Lavie crée la compagnie Picpus pour jouer ses propres textes. Tout d'abord dans la
rue, à l'ancienne, sur les places publiques, histoire de "toucher" son audience par et dans le quotidien :
un vécu comme un autre, des personnages souvent au bout du rouleau qui règlent leurs comptes avec la société. Pureté et décadence, idéalisme et corruption, un chassé-croisé presque chorégraphique des
instincts et des passions.
Depuis, des adaptations de romans mis en scène par la compagnie (Dostoïevski, Henry Miller, Sartre, Balzac, Zola), aussi bien que les textes de Désiré de Lavie, continuent de faire jouer cette bascule de l'enfer à la providence.
L'adaptation théâtrale de Treblinka, de Jean-François Steiner, est de la même veine.
Pascale Maigre-Peuvrel, metteur en scène
39, rue Broca 75005 Paris